La saveur de l'assiette
Un géographe devenu cuisinier, un paysan devenu gardien de ses terres. Ensemble, ils signent
un livre de recettes qui parle goût, origine et qualité. À partir des légumes les plus courants.
Dans le sauté d'aubergines à l'origan, l'ail est mis trois minutes avant la fin de cuisson - « il garde ses qualités santé » La rafraîchissant concombre sera préféré « avec la peau qui contient de la vitamine K »- s'il est exempt de pesticides. Le radis, dépuratif, est riche en fibres et vitamine Bl. À la fois légume et fruit, la butternut n'aime pas être entreposée au sol. Quant
à l'artichaut, le Blanc hyérois ou le Violet de Provence, il fut expédié, primeur, en train vers Paris ou Londres, jusqu'aux années 60.
Connaître l'origine
En cuisine, on n'est loin ni de l'histoire, ni de la science. L'amitié entre François Besancenot et Daniel Vuillon a poussé sur un respect commun pour la terre.
L'une des évidences que les deux hommes portent en étendard. « Connaître l'origine de ce qu'on consomme, cela change tout.
Le terroir est la signature du goût, par la terre, clame Daniel Vuillon. La même variété de tomates ne donnera pas le même résultat, sur des sols différents. »
Chacun des deux auteurs du livre Légumes des terroirs a expérimenté un itinéraire singulier.
Docteur en géographie et petit-fils d'agriculteur, François Besancenot s'est mis à passer un CAP cuisine. « Le fil rouge de mon
parcours est l'éducation à l'environnement et à la santé. Aujourd'hui, j'enseigne en lycée professionnel confie-t-il avec gourmandise.
Pionnier des Amap en France (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne), l'Ollioulais Daniel Vuillon a eu, lui
aussi, son déclic. Et quitté les étals de la grande distribution, pour des chemins inexplorés. « Dans les années 90, j'étais le seul à produire des variétés de tomates anciennes. »
Abstraction du sol ?
L'ouvrage fait la synthèse entre héritage de savoirs anciens et questions actuelles sur l'alimentation. « L'alimentation est responsable d'une grande partie des maladies, souligne Daniel Vuillon. Moi, je fabrique de la nourriture. Est-ce que je participe à bien nourrir, ou à mal-nourrir?»
François Besancenot veut « prouver par A + B que notre santé est liée à notre environnement. Or, trop de gens ne s'intéressent pas à la qualité environnementale ».
Il peut témoigner que « dans les écoles hôtelières, on n'apprend pas l'histoire des légumes. Ni leur géographie. Ni les caractéristiques essentielles pour qu'ils respectent la santé et l'environnement ».
Ce qui passe d'abord par la terre, « un sol vivant. Faire abstraction de ça, c'est déjà un peu fou », tonne Daniel Vuillon
« Le hors-sol est une impasse. Gustative, environnementale et de santé, poursuit-il. La fraise hors sol est boostée à la potasse pour avoir un goût sucré. Mais le sucre, ce n 'est pas le goût de la fraise. La plante est forcée, ses fruits sont obèses. »
Quid de leurs nutriments ?
« Dans un bon légume, tout est là, à disposition. Pas la peine de remplir des rayons de compléments alimentaires.»
Allant au bout de sa démarche, l'agriculteur va rois a mandaté un laboratoire pour mener « une grosse analyse sur [sa]
terre ». Le résultat est à la hauteur. « II ne manque rien, la terre est à l'équilibre. Le taux de matière organique est à 5,5 %, c'est très bon. »
Alliances et surprises
Les auteurs décrivent les alliances vertueuses entre légumineuses et féculents. « Elles existent sur les trois continents, on explique tout ça. Maïs-haricot, soja-riz, blé-pois chiches. Nos arrière-grands-parents savaient le faire. »
Il y a les mariages heureux à l'intérieur d'un repas, la grillade dorée s'équilibre grâce aux « légumes riches en antioxydants ».
Il y a la cuillère de miel dans la poêlée de poivrons à l'aigre doux (verts, ils sont riches en vitamine C, rouges ils gagnent en vitamine A, le mieux est de les marier). II y a les concombres sautés à la crème de romarin (cuits, si si, mais croquants) avec une sauce moutardée qui « crée un nouveau condiment, déguste François Besancenot. Encore une fois, en cuisson rapide, qui respecte le goût et la valeur nutritionnelle ».
Les légumes de saison « vont bien ensemble » et c'est en saison qu'ils sont le moins coûteux. Les 60 recettes sont volontairement simples. Naturellement goûteuses. Parfois surprenantes.