Etape janvier/février 2014Rédigé le Samedi 1 février 2014
Etape janvier/février 2014
A la suite des premiers volumes sur l'histoire de la typographie écrits par Yves Perrousseaux, Jacques André et Christian Laucou prennent le relais et rédigent à quatre mains ce nouvel ouvrage dédié au XIXe siècle. Le livre est divisé en huit chapitres, consacrés tant aux évolutions techniques qu'aux différentes fonderies ou aux familles typographiques en plein essor. Des "pauses" entre les chapitres rythment l'ouvrage et permettent un focus sur des aspects particuliers, comme le rangement de la casse ou les manuels typographiques.
L'érudition des deux auteurs et la qualité des documents présentés font de ce livre un ouvrage complet, qui permettra aux passionnés de mieux comprendre les évolutions majeures de l'époque
Cet ouvrage volumineux (presque 400 pages) est à nouveau une somme d’érudition d’une extrême richesse. Il couvre non seulement ce qu’il y a de plus connu & de plus important dans la typographie française au XIXe comme les caractères des Didot (qui occupent une place centrale dans le livre) mais aussi les aspects parfois un peu sous-estimés: par exemple, l’influence de la typographie anglaise sur les créateurs de caractères français d’alors, l’importance du renouveau des Elzévirs ou l’invention des caractères de fantaisie. Pour le lecteur, l’intérêt principal de ce volume réside sans doute ici: la peinture d’un XIXe siècle extrêmement divers et tout entier tourné vers la recherche en typographie, un XIXe siècle traversé d’une tension fondamentale entre la recherche de la perfection formelle et la diversification dans l’excès. Cette tension transparaît justement dans les didones, caractères nés d’une quête: la rationalisation toujours plus poussées de la forme, caractères excessifs aussi: toujours plus grands; toujours plus contrastés; toujours plus gras; toujours plus ornés. Plus de 450 illustrations extrêmement bien choisies et pertinentes (même si l’impression moderne ne rend pas bien compte de l’aspect réel des didones originaux), pour certaines d’une beauté saisissante, d’une créativité intense ou d’une modernité surprenante permettent d’appréhender la richesse complexe de ce XIXe siècle. Ces illustrations (pour beaucoup peu ou mal connues) seront sans doute des sources d’inspiration pour les typographes contemporains. À titre personnel, j’attire l’attention sur certains aspects du travail de Jules Didot qui m’étaient largement inconnus: son étonnant livre spécimen qui mériterait d’être intégralement réédité (pages 124-126); les formes inattendues de ses caractères (pages 131-132) & surtout la magnifique frise faite de points d’interrogation et d’exclamation (page 135)!
L’ouvrage se montre tout aussi excellent quand il dépasse le cadre strict qu’il s’est lui-même assigné (le dessin de caractères en plomb). Les chapitres sur le développement de l’Imprimerie qui deviendra Nationale ainsi que sur la généalogie des fonderies françaises (qui aboutiront in fine à la création de Deberny & Peignot au XXe siècle) permettent de comprendre en profondeur qu’une caractéristique majeure de la typographie est d’être une industrie fondée sur un art. En tant qu’art, son échelle temporelle est multiséculaire: la typographie repose sur une somme de savoirs & de savoir-faire accumulés et transmis par l’expérience humaine. En tant qu’industrie, son échelle temporelle est plus courte: elle dépend des progrès techniques et des vicissitudes de l’économie. Les moments les plus féconds de l’histoire de la typographie sont donc ceux où le capital humain s’est combiné au capital technique & économique. Les nombreuses pauses entre les chapitres permettent aussi d’aborder des sujets a priori écartés d’emblées par les auteurs: notamment tous les aspects liés à la composition & à l’usage des lettres (les vignettes gravées sur bois, les lettres décorées, mais aussi les manuels typographiques) qui donnent une image différente de ce siècle et peuvent à nouveau être des sources d’inspiration fécondes.
Le plus grand mérite de cet ouvrage est peut-être de s’être appuyé autant que possible sur des sources originales et d’avoir fait ainsi véritablement œuvre d’historien. Il reste aux historiens de métier, les universitaires (par exemple les historiens du culturel: Jean-François Sirinelli, Pascal Ory, Laurence Bertrand-Dorléac, ou plus probablement leurs élèves) à s’appuyer sur ces travaux remarquables pour donner une ampleur encore plus grande à l’histoire de la typographie en la resituant en tant que phénomène social & en la liant mieux encore à l’historiographie moderne et contemporaine.
La typo du XIXesiècle -Comme nous l'avions annoncé aprèsledécès d'Yves Perrousseaux,sa série d'ouvrages illustrés relative à l’«Histoire de l'écriture typographique»* connaît un prolongement.
Grâce à Jacques André,personnalité connue de la scène graphique francophone,allié à Christian Laucou, l'historique des caractères du XIXesiècle est sortide presse.Il s'agit d'un fort volume (près de quatre cents pages),élaboré dans le même style que ceux de leur prédécesseur (même si l'approche me paraît plus«universitaire»,renfermant moult détails).Lesquels supposent d'ardues et abondantes recherches (qui sont autant de découvertes pour lelecteur!),augmentées et enrobées d'une iconographie tout à fait remarquable.
Cette somme typographique d'importance renferme huit chapitres:
1. La typographie anglaise,de la fin du XVIIIesiècle au milieu du XIXe;2.Les fonderies de Gillé,Balzac, Laurent, Deberny;3· Les Didot;4·La typographie de l'Imprimerie royale,impériale,nationale;5·Le renouveau des elzévirs;6.De la main à la machine (évolution de la fonte de caractères et de la composition typographique);7· Fonderies françaises de 1840 à 1900;8.Prémices du XXesiècle.
De surcroît,l'idée de«pauses»,chère à Perrousseaux,a été reprise,formant près du tiers des pages.Elle sont consacrées à ces sujets:De la gravure sur bois aux vignettes polytypées - Variations sur la casse française et son rangement- Le gras et le livre - Les manuels typographiques-Les caractères de fantaisie-Les lettres dessinées.Un préambule signé par Didier Barrière (correcteur,responsable de la bibliothèque historique à l'Imprimerie Nationale, à Paris),une bibliographie et un index complètentlevolume.
On comprendra qu'il n'est pas possible de couvrir, dans la présente rubrique,un ensemble aussi vaste. Ainsi se limitera-t-on à faire ressortir quelques éléments relatifs aux manuels typographiques -«témoins précieux de l'avancée technologique de leur époque».
Le premier ouvrage analysé est le Traité de l'imprimerie (1798) de Bertrand-Quinquet. A noter que cet auteur regrette de ne pas utiliser«les forces de corps en points»(ses mesures étant données dans le système métrique).Dûà Bonaventure Auguste Vinçard,L'Art du typographe (1806) fait ressortir une particularité:l'auteur se définit par le néologisme « typographiste».
En 1817 paraissait un Manuel de l'imprimerie,sans nom d'auteur,mais édité par Farge.Deux seuls exemplaires sont répertoriés:un à l’Ecole Estienne et celui que Ladislas Mandel avait légué à la Bibliothèque de l'Arsenal.
Tiré à deux mille exemplaires et entièrement composé par Brun et ses deux fils,le Manuel pratique et abrégé de la typographie française (1825) a été publié chez Firmin Didot père et fils.Sa singularité:il ne comporte aucune division de mot en fin de ligne !
En passant outre d'autres éditions intéressantes,nous nous arrêtons enfin sur le Nouveau Manuel complet de typographie (1835). Pour une bonneraison:l'auteur s'appelle Antoine Frey.Il est Suisse, né à Zurich en 1789.Après un apprentissage à la Typographische Gesel/schaft,il avait rejoint Paris en 1806. Compositeur,puis prote et correcteur,il avait publié,en 1831,un pamphlet politique intitulé Les ultra-libéraux,qu'il avait signé en tant qu'« un des vétérans des ouvriers de Paris».Le manuel mentionné (important!) est paru sous la forme de deuxvolumes àlenseigne de la célèbre Encyclopédie Roret.Antoine Frey fait partie de l'imposant groupe de typographes alémaniques qui ont pratiqué,voire enseigné,leur art dans la Ville Lumière**.
**Voir,dans le No 1/2012 des TM-RSI,l'articlesigné parHansRudolf Bosshard, intitulé <<Walter Hachler, der ersteSchweizer Typograf in Paris>>(aprèslaSecondeGuerre mondiale).L'auteurarecensé, entre1945 et 1980,une cinquantainede noms. Des personnalitésquiont influencéle style typographiquedans la capitale française etau-delà(dont Peter Knapp, Adrian Frutiger,Jean Widmer,Albert Hollenstein,Ernst et Ursula Hiestand, André Gürtler, Bruno Pfaffli,Hans-Rudolf Lutz,voireHansJürg Hunziker ... ).
L'archéologie industrielle en FranceRédigé le Lundi 16 décembre 2013
L'archéologie industrielle en France
L'histoire de la typographie est un domaine assez austère et sans doute limité dans son audience populaire. Une encyclopédie débutant à Gutenberg avait commencé à être publiée voici quelques années, mais elle s'arrêta à la fin du XVIIe siècle par suite du décès de son auteur. Le 4e volume qui vient de sortir, consacré au XIXe siècle français, se veut la continuation de cette œuvre considérable. Il s'agit plus d'une étude de l'écriture typographique que des aspects plus graphiques comme la mise en page par exemple, selon le choix fait par les auteurs. Plus précisément, même, ceux-ci s'intéressent particulièrement aux Didot et à l'Imprimerie nationale. L'intérêt particulier pour nous vient de ce que le X!Xe siècle connaît un accroissement considérable des imprimés, des bulletins administratifs aux journaux, des romans aux ouvrages d'art, des affiches aux vignettes et que tout ceci, tiré à un nombre accru d'exemplaires influe, on s'en douterait, sur les techniques de fabrication de caractères et génère une profusion de nouveautés typographiques. L'ère devient, en ce domaine aussi, véritablement industrielle et il est traité dans deux chapitres consacrés l'un à l'évolution des fontes de caractères et de la composition typo-graphique,« de la main à la machine », l'autre aux fonderies françaises de 1840 à 1900. Le premier de ces chapitres techniques est particulièrement instructif, expliquant le passage de la fabrication des caractères selon la méthode Gutenberg à l'invention des machines à composer et autres linotypes. La lettre surement, mais aussi les bois et bientôt la galvanotypie. Le chapitre suivant nous entraîne vers les entreprises de production de caractères, bien entendu majoritairement parisiennes et situées dans l'environnement immédiat du quartier latin, qui se concentreront progressivement pour ne donner que deux grosses entreprises industrielles à la fin du X!Xe siècle ... Les six chapitres de ce gros ouvrage sont entrecoupés de variations sur un thème, « pauses " traitant " perpendiculairement >> de sujets plus précis. L'ensemble est enfin très abondamment illustré, permettant au lecteur de prendre la mesure de ces caractères, d'en apprécier la multiplicité, la richesse et pourquoi pas de chercher à s'en inspirer. En gardant à l'esprit que la première vertu d'un caractère est sa lisibilité ...
Cet ouvrage vient compléter les trois tomes précédents de la collection créée par Yves Perrousseaux (1940-2011).
Dans le même esprit, Histoire de l’écriture typographique Le XIXe siècle français raconte l’histoire des « caractères d’imprimerie », de leurs usages et de leur implication cachée dans la culture occidentale. Pour montrer la richesse de cette période, les auteurs ont choisi d’en raconter les aventures successives : les Anglais avec l’invention des caractères gras, des égyptiennes et des sanssérifs ; la fonderie Gillé, qui devient celle de Balzac puis de De Berny et qui rejoindra, au début du XXe siècle, celle des Peignot ; la saga des Didot, de la rigueur de Firmin à l’extravagance de Jules ; l’Imprimerie royale, puis impériale et nationale, ses caractères orientaux et ceux de labeur, qui perdureront tant qu’il y aura du plomb ; Louis Perrin, qui réinvente les elzévirs ; les grandes fonderies françaises ; et, enfin, les évolutions techniques du XIXe siècle. Et comme dans les précédents tomes, des « pauses » élargissent le chant purement typographique avec : la gravure sur bois, les casses d’imprimerie, les caractères gras, les manuels de typographique, les caractères de fantaisie et les lettres dessinées.
Complément indispensable aux trois tomes précédents de la collection créée par Yves Perrousseaux, ce XIXe siècle français a été rédigé dans le même esprit et raconte l'histoire des «caractères d'imprimerie», de leurs usages et de leur implication cachée dans la culture occidentale. Le XIXe siècle typographique est marqué par le foisonnement et l'excès, par des oppositions d'austérité et d'extravagance, par la cohabitation de livres romantiques et de livres industriels et par de nouveaux codes d'usage de la typographie. C'est le siècle où la typographie devient art et industrie.
http://www.alsacreations.comRédigé le Vendredi 9 novembre 2012
http://www.alsacreations.com
Dans la même lignée que "Typo & Web" précédemment évoqué, "Webgrids" traite - en résumé - de la mise en page web.
Plus en détail, le sous-titre est révélateur : "Structure et typographie de la page web". L'ouvrage revient aux fondamentaux de la mise en page, à ses racines historiques et culturelles dans le but de faire des parallèles évocateurs. La structure d'un document est abordée de manière complète, et les enjeux sont expliqués clairement et illustrés.
Le livre traite de tous les types de grilles : les règles imposées et comment les enfreindre, l'importance du rythme vertical, les à-priori et l'ordre établi qui règnent déjà sur un support pourtant bien jeune. Mais il y est également question de composition, des bonnes pratiques et des parti-pris potentiels, le tout de manière documentéé, illustrée et commentée.
C'est un ouvrage qui permet de conscientiser et théoriser les possibilités de composition, de structure et de typographie disponibles sur le web - et permet de réaliser qu'en définitive le web n'est pas aussi limité qu'on l'eût cru. Il s'adresse d'aileurs autant aux intégrateurs qu'aux graphistes et webdesigners.
http://www.ffoodd.fr/lecture-webgrids/Rédigé le Mercredi 7 novembre 2012
http://www.ffoodd.fr/lecture-webgrids/
Bien que familier avec les deux versants du graphisme web – à savoir : le graphisme & le web – force m’est de constater que ces deux versants d’une même montagne sont opposés, à l’instar de l’adret et l’ubac.
L’adret
Ma formation en communication visuelle m’a enseigné les règles typographiques, de mise en page, l’histoire de l’imprimerie et les différents mouvements qui ont heurté l’histoire du graphisme et de l’impression.
L’ubac
Mon expérience professionnelle dans le web m’a éduqué aux contraintes spécifiques du support : affichage sur écran divers et variés, dans des navigateurs qui sont également pléthore.
Un livre très instructif
Dès la première page, la connaissance nous submerge :
Avant que le livre ne prenne la forme que nous lui connaissons aujourd’hui,on utilisait le rouleau ou volumen [...]. Les scribes de l’époque alignaient des colonnes sur cette longue bande de papyrus que l’on déroulait d’un côté et enroulait de l’autre au fur et à mesure de la lecture. À bien y regarder, la pratique de la lecture propre à ce support que les anglophones appellent – accrochez-vous – scroll, en fait un cousin bien plus proche de la page web que ne le sera jamais votre livre de poche, descendant végétarien du codex en parchemin.
Et ce n’est qu’un extrait de la première page. Ce livre fourmille d’explications aussi simples que pointues pour comprendre et appréhender la mise en page sur le web. Un véritable retour aux fondamentaux – parfaitement documentés – qui devenait nécessaire. Je pense que cette lecture m’a fait progresser et c’est la meilleure raison qui soit pour faire l’éloge de ce livre plus qu’abordable.
Ce livre permet d’atteindre le sommet, ce point si compliqué à atteindre mais bel et bien le seul ou se rejoignent l’ubac et l’adret. Réconciliez le web et la mise en page avancée, lisez ce livre !
Histoire de l'éducationRédigé le Jeudi 1 novembre 2012
Histoire de l'éducation
• Ainsi, Père et Mère, vous voyez l'obligation indispensable que vous avez de prendre très grand soin de vos enfants •. En ouvrant le superbe ouvrage de Rémi Jimenez, on découvre dans la double page de garde la reproduction agrandie, blanc sur fond noir, d'une planche en • caractères de civilité •. Datée de 1742, elle provient de chez Claude Lamesle, fondeur de caractères et on apprend avec surprise que cette typographie imitant la cursive gothique ne prend ce nom que vers 1740: choisie par J.-B. de La Salle pour Les règles de la bienséance et de la civilité chrétienne, c'est seulement après s'être répandue dans toutes les écoles des Frères que son nom se banalise. Dès lors, les impri-més antérieurs de même facture seront désignés sous ce nom. De quand date-t-elle? Inventée à Lyon par Granjon en 1557, elle se nomme à l'époque • Lettre française d'art de main •. à cause de sa proximité inégalée avec l'écriture manuscrite (ligatures, boucles, effets de traîne). Destinée à concurrencer les • écritures italiques •. elle est protégée par un privilège royal et les graveurs vendent des poinçons dans toute la France et dans l'Europe du Nord (Allemagne, Angleterre, Flandres, Pays-Bas, Suisse). pour des éditions poétiques, musicales, les traductions en français (vis-à-vis de l'original en romain) et, bien sûr, des livres scolaires : la Civilité puérile adaptée d'Érasme, les Quatrains de Pibrac, les Quatre Livres de Caton, le Catéchisme latinjrançais de Calvin.
Pourtant, le succès de cette cursive imprimée est bref : les caractères gothiques reculent devant les romains et les manuscrits des actes officiels se mettent à suivre les nouveaux modèles d'écriture proposés par les Italiens. En 1633, les seules écritures manuscrites autorisées par le roi sont la ronde (française) et la bâtarde (italienne). Les caractères de civilité sont alors abandonnés. Pourquoi J.-B. de La Salle va-t-illes faire renaître soixante-dix ans plus tard ?
Pour Rémi Jimenez, la raison est de stricte commodité : les caractères de civilité, difficiles à déchiffrer pour qui a appris à lire en lettres romaines, ont l'avantage de présenter aux élèves l'écriture imprimée qui se rapproche le plus de la ronde qu'ils ont à écrire. C'est donc au moment où ils sont mis à la plume que les Frères donnent à lire la Civilité, répertoire de modèles à imiter autant que livre de lecture. Cette étape prépare à la • lecture des registres » (les véritables manuscrits). L'usage lassallien déborde les écoles chrétiennes et nourrit l'édition populaire des livrets de colportage. Les fontes anciennes, parfois un peu modernisées, sont donc consacrées aux Civilités et à elles seules, si bien que les typographes troyens conservent les planches composées, s'épargnant la peine et le temps d'une nouvelle composition (nombre d'errata persistent d'une édition à l'autre). Des milliers de livrets sont ainsi rapidement réimprimés, réapprovisionnant à bas prix les libraires et les colporteurs. Lorsque les maîtres abandonnent l'écriture la ronde pour • la coulée •. puis pour • l'anglaise » qui s'impose au XIXe siècle dans le commerce et l'administration, les caractères de civilité disparaissent définitivement. Richement illustré et précisément annoté, le livre de Rémi Jimenez, pour qui les écritures manuscrites ou imprimées n'ont pas de secret, documente ainsi avec précision et clarté la pédagogie populaire de l'Ancien Régime. Grâce à lui, nous rendrons à La Salle ce que les vulgates attribuaient à Érasme : pour l'histoire de l'école, ce n'est pas rien.
Le web est désormais typographie. La liberté permise par les nouvelles techniques embarquant des polices, notamment grâce à CSS3, ajoute une nouvelle dimension à la création graphique. Ce livre est consacré à la lisibilité optimale de la typographie sur Internet. Il l'aborde de prime abord de façon très intéressante par la théorie historique et les différentes études effectuées autour du sujet ; puis par les différents concepts applicables au web : forme des lettres, lecture sur écran, lissage, contraste, et outils.
Y sont abordés le rendu des police selon les moteurs graphiques (systèmes d'exploitation, navigateurs) et les instructions CSS pour les manipuler, autant via l'échelle et ses unités que le positionnement, l'espacement ou le choix des caractères. Tout ceci pour optimiser le confort de lecture sur écran, qui influence considérablement nos sens, et aboutir à des pages plus efficaces.
C'est un bon ouvrage pour connaître l'essentiel de la pratique typographique pour le web. Un seul petit regret : les blocs de code indiqués en exemples n'utilisent pas de police à pas fixe, ni d'indentation ;)
La monographie que David Rault consacre à Roger Excoffon n’est
pas un livre sur Roger Excoffon, c’est Roger Excoffon dans un
livre.
Artiste lui-même pluridisciplinaire (graphiste, typographe,
photographe, homme de cinéma), David Rault fait revivre sous nos
yeux l’homme Roger Excoffon, dans ses élans, ses passions, dans la
polyphonie de son immense talent.
Par le prisme de cet ouvrage grand format, accessible, précis et
richement illustrée, nous découvrons le caractère Excoffon, son
écriture, le parcours de cet auteur (typo)graphique, le chantier du
Mistral, le premier nom de l’Antique Olive, un Calypso tout à fait
fortuit ; l’Excoffon publicitaire, graphiste, visualiste dont les
travaux & les commandes laissent apparaître ici de façon
synoptique la vision d’une époque, un peu de notre histoire
contemporaine, en France tout particulièrement, mais pas
seulement.
La mise en page du livre se fait au fil des pages mise en scène
avec, en point d’orgue, un superbe cahier consacré aux
photographies que Jean Dieuzaide a fait de Roger Excoffon dans les
années 1960.
L’Excoffon de David Rault est un livre que l’on peut lire vite, à
la vitesse d’une Ferrari, image que feu Yves Perrousseaux associait
cet ouvrage, s’amusant de l’audace de sa couverture
rutilante.
Mais c’est aussi un travail que l’on peut relire avec patience, en
gourmet des vignettes et des mots. Ceux de Maximilien Vox et
Savignac en particulier sont de véritables morceaux de bravoure
littéraires, qui dépassent de loin le génie spécialisé de la
typographie et qui devraient puissamment contribuer à célébrer les
nouvelles noces de la geste excoffonienne et de l’homme de la
rue.
Yves Perrousseaux est parti trop tôt en ces jours de mai 2011,
plein de projets d‘éditions en tête. C’est à la manière d’un
témoignage que j’essaye en ce dimanche soir de me souvenir de cet
amoureux fou de la typographie. Comment fallait-il aborder ce
devoir de mémoire? Jamais évident… Je me souviens avoir rencontré
Yves
Perrousseaux à la fin des années 80, lors de ces mémorables
rencontres annuelles d’août organisées par les Rencontres
internationales de Lure. Ce lieu était un doux mélange de grands
professionnels de la typographie, d‘érudits de toutes sortes, de
jeunes étudiants, d’amateurs éclairés en soif d’apprendre,
d‘échanger. En 1989 lors d’un de mes premiers passages, je
reconnaissais en la personne d’Yves l’un de ces amateurs, j‘étais
un des ces étudiants. Nous étions tout en bas de cette
montagne, face aux Blanchard,Mandel,Richaudeau,Ponot, et ravis
d’apprendre à leur contact.
Les années passaient et en 1995, il publiait son premier manuel
de typographie composé en Sabon. Cet ouvrage n‘était
pas destiné aux professionnels du graphisme, mais plutôt aux
utilisateurs non-professionnels des outils de PAO de l‘époque. Ce fut un réel succès. De nombreuses
rééditions ont suivies (neuf éditions?).
Yves, grand amateur de typographie latine, aimait essayer des
nouveaux caractères typographiques, promouvoir les jeunes
générations que nous étions en utilisant nos fontes. Yves
utilisait avec grand plaisir dans ses mises en pages de livres de
recettes, de guides, autour de la provence (ses clients locaux) nos
créations typographiques, dont celles de François Boltana,Thierry
Puyfoulhoux, et bien d’autres comme celles d‘Éric de Berranger,Xavier Dupré, etc.
qui étaient ravis de voir enfin utilisé de beaux caractères de
textes en édition. Yves apprenait, comme nous les jeunes, malgré
l‘écart générationnel.
Vers 1997, Yves, emporté par l’enthousiasme de Gérard Blanchard, publiait l’Aide au choix de la typographie du Chancelier
des Rencontres internationales de Lure. Une somme typographique,
fournie, complète, mis en page par Blanchard lui-même sur son PC,
et recomposé par Yves Perrousseaux, le tout, composé avec un des
packs de la totale typographie, Le Monde Livre1
et Le Monde Sans que j‘étais en train de finir pour ma fonderie. Avec
le recul, il semblerait que Gérard avait réussi nous faire passer
du statut d’amateurs à celui de passionnés de typographie en nous
associant à ses “saines folies” typographiques. Dans une interview publié en 2002, Yves Perrousseaux
nous dit d’ailleurs à ce sujet: Quant à en être l’un des
piliers, c’est beaucoup dire. C’est à Lurs que j’ai appris la plus
grande partie de mes connaissances professionnelles actuelles.
C’est à mon tour de transmettre ce que les aînés m’ont transmis,
c’est tout et c’est normal. Yves est pour ainsi dire un pur
produit de l’esprit de Lurs.
Yves — lors de nos discussions téléphoniques passionnées (nous
n‘étions pas toujours d’accord et c‘était mieux ainsi, une preuve
de nos engagements pour une passion commune) — me racontait ses
nouvelles aventures d‘éditeur d’ouvrages typographiques: rencontre
avec
Frutiger, publication des
livres de Mandel, etc. Sa maison d‘édition Atelier
Perrousseaux est devenu au fil des ans l‘éditeur francophone
qu’il manquait dans notre pays. Bien plus tard, lorsque j’ai appris
qu’Yves Perrousseaux avait trouvé son successeur en la personne de
David Rault vers 2009, c‘était une excellence nouvelle pour la
continuité de son œuvre. Cette décision prend d’un seul coup
tout son sens dans ces derniers jours de mai
2011. Yves Perrousseaux restera un des acteurs majeurs de la
tradition
typographique lursienne.
Les éditions Atelier Perrousseaux, qui nous ont déjà gratifiés
de deux superbes volumes d’une Histoire Typographique qui est
devenu un ouvrage de référence incontournable sur le sujet,
viennent de faire paraître un nouvel ouvrage sur un sujet fort peu
traité par les historiens de la typographie, j’ai nommé la « lettre
française d'art de main » ou « lettre façon d'écriture », plus
connue sous le nom de « lettre de civilité ». À la frontière de la
typographie et de la calligraphie, ces lettres sont calquées sur
une des cursives de l’époque et servaient à imprimer notamment des
manuels éducatifs. On les composait dans ce caractère bien
particulier en se disant qu’il était plus facilement lisible à
l’âge où l’on apprend à lire et à écrire justement cette cursive
scolaire. En dehors de l’ardu problème typographique qui consiste à
rendre par des rectangles de plomb toutes les subtilités d’une
cursive avec ligatures, trait continu et caetera, ces lettres sont
très esthétiques et loin, dans leurs formes, des caractères romains
et italiques auxquels une typographie plus classique nous a
habitués et plus proches d'une cursive gothique que nous étudierons
bientôt chez Graphos.
Découvrez donc dans cet ouvrage les liens qui ont perduré
tardivement entre typographie et calligraphie, les influences
réciproques (si, si) entre ces deux modes de production du texte
écrit, cela vous donnera bien des idées et des modèles desquels
vous inspirer pour calligraphier ce caractère un peu oublié du
corpus calligraphique habituel. Les nombreuses illustrations sont
accompagnées d’un texte remarquable de Rémi Jimenes qui met
parfaitement en valeur à la fois la naissance, l'évolution et
l’utilisation typographique de ce caractère mais aussi les
influences de et sur la calligraphie de cette cursive, bien loin
des modes d'inspirations qu’y puiseront plus tard Hermann Zapf ou
Alan Blackman.
Bref, pour une fois un ouvrage qui met en lumière les nombreuses
interrelations entre typographie et calligraphie et une bien belle
source d’inspiration pour nous autres scribes.
>[Sylvie Litté]
Il est bien trop rare que les éditeurs modernes –entendons, les
éditeurs d’aujourd'hui– accordent suffisamment d’importance à la
«mise en livre» des manuscrits qui leur sont confiés. Pourtant, les
travaux d’histoire du livre montrent bien non seulement que le
texte ne saurait exister seul, mais que le livre en tant qu’objet
apporte au lecteur, par les dispositifs matériels qu’il met en
œuvre, bien autre chose que le seul texte. «Mettre en livre» avec
compétence et élégance un livre qui traite précisément d’un aspect
de la «mise en livre», à savoir l’histoire du caractère
typographiques, est tout particulièrement bien venu.
On ne peut par conséquent qu’être reconnaissant à l’éditeur Atelier
Perrousseaux de l’ouvrage que Rémi Jimenes a consacré aux
Caractères de civilité d’avoir réussi à nous offrir un livre dont
l’élégance formelle se combine avec un contenu textuel de qualité.
L’étude de la typographie et des caractères reste trop peu
développée en France, et encore mal intégrée aux travaux d’histoire
générale du livre –une exception remarquable étant bien évidemment
celle du Musée de l’imprimerie dirigé par Alan Marshall à Lyon.
L’exposition d’Écouen sur Geoffroy Tory et son Champfleury
constitue aussi, en ce moment même, une excellente occasion
d’approcher ce domaine.
Rémi Jimenes, doctorant au CESR de Tours, définit les caractères de
civilité, alias lettre française d’art de main, comme « une
typographie gothique reproduisant l’écriture cursive qu’employaient
les hommes de plume français au milieu du XVIe siècle » (p. 10).
Histoire et civilisation du livre donnera de cet élégant volume un
compte rendu circonstancié, mais le sommaire que nous publions
ci-dessous donne une bonne image d’un contenu présenté à la manière
d’une pièce de théâtre classique.
La sortie du beau livre de Rémi Jimenes sur les caractères de
civilité était attendue avec impatience par de nombreux
bibliophiles. Il vient heureusement compléter la série d’ouvrages
d’Yves Perrousseaux sur l’histoire de la typographie.
La tâche était ambitieuse, aucun ouvrage en langue française de
cette ampleur n’avait encore couvert le sujet, un comble pour un
art typiquement français !
Sa lecture est un vrai plaisir ; on y apprend des tas de choses
sur les « lettres françaises d’art de main », des origines à ses
développements successifs (je dirais même ses mutations) jusqu’au
XIXe siècle. On savait le style de ces caractères dérivé des
écritures de chancellerie. Une nostalgie de copiste, pourriez-vous
penser, que nenni ! Il s’agissait, au contraire, d’une volonté
délibérée des humanistes de la Renaissance de « faire moderne » et
d’affirmer la grâce et le caractère (c’est le cas de le dire !) des
lettres françaises sur les italiennes.
Si Geoffroy Tory, le précurseur, défend la langue française, qui
n’a rien à envier en beauté à la latine, c’est pourtant aux
caractères romains qu’il s’attache à fixer les justes proportions.
Il avait bien envisagé de traiter en parallèle des lettres
françaises: « Si j’eusse pu trouver mention par écrit de nos
susdites lettres de forme et bâtardes … je les eusse mis en ordre
selon leur due proportion ». Et oui, seulement, il ne risquait pas
d’en trouver en 1529, le bougre, puisque c’est Robert Granjon, en
1557, qui, le premier, publia un ouvrage en cursive gothique !
A l’origine de toute typographie il y a une écriture manuscrite
que le graveur prend pour modèle, le style italique de Griffo des
éditions aldines cherchait aussi à se rapprocher de l’art
inimitable de la main. Mais les caractères de civilité se
rapprochent plus fidèlement encore de la souplesse des lettres
cursives ; à l’origine, ce sont des variantes de la gothique
bâtarde (ce qui est plutôt paradoxale car l’écriture gothique
n’était plus à la mode depuis quelques décennies, au point que
Pétrarque écrivait déjà qu’elle avait été inventée pour autre chose
que pour être lue !). Ensuite, il faut un modèle, les Maitres
d’écriture royaux sont de bons candidats ; Pierre Habert,
calligraphe et valet de chambre du Roi, a pu inspirer Granjon,
tandis que Pierre Hamon, calligraphe réputé, a inspiré Philippe
Danfrie.
Il faut avoir l’œil exercé pour distinguer tel type à tel autre,
mais comme les autres ouvrages de la série, celui-ci est très
pédagogique et il vous donne l’inventaire des différents types,
comme ceux de Granjon, par exemple : les capitales, les bas de
casse, les ligatures, les finales. Voilà l’art de main décodé
!
Cette nouvelle typographie sera contrefaite malgré le privilège
dont bénéficie Granjon pour 10 ans, et se diffusera rapidement, en
France mais aussi à l’étranger, notamment dans les pays du Nord.
Pourtant, le caractère de civilité ne parviendra jamais à
supplanter les lettres romaines. Il est d’un usage plus difficile
pour l’imprimeur, et le crénage des types les rend fragiles à la
presse.
Ce que le livre de Rémi Jimenes montre bien c’est la fortune en
dent de scie de cette typographie. A la mode de 1560 à 1620, elle
disparait presque complètement au XVIIe siècle, pour revenir en
force au début du XVIIIe siècle. Seule exception confirmant la
règle, le météore Pierre Moreau, qui invente une nouvelle
typographie tirée des arts de la main, selon une démarche proche de
celle de Robert Granjon. Mais il appartient à la corporation des
Maitres-écrivains et non à celle des imprimeurs et son expérience
sera vite brisée par ces derniers.
Le gothique cursif s’offre donc un come back tonitruant dans les
années 1730 grâce à Jean Baptiste de la Salle, le fondateur des
Ecoles Chrétiennes, qui publie en 1703 Les Règles de la Bienséance
et de la Civilité Chrétienne. Cette fois le pli est pris, il
deviendra difficile ensuite de publier un livre de civilité qui ne
soit pas composé avec ces caractères, sauf bien plus tard, lorsque
les éditeurs ne verront plus de motifs à suivre un style que plus
personne n’utilise et ne lit facilement. C’est l’âge d’or de la
civilité, plus de 200 ouvrages ont été comptabilisés entre 1703 et
1863 !
Les lettres sages et bien alignées de Granjon et de ses suiveurs
étaient principalement réservées aux textes officiels, aux
ordonnances, privilèges et autres épitres dédicatoires, mais le
Gothic Revival de la période suivante touchera surtout les éditions
populaires et la production de colportage : mauvais papier, souvent
manipulés par les enfants, reliures modestes (si on excepte le
maroquin bleu de Duru pour l’exemplaire du Baron Pichon des Règles
de la Bienséance !). Ces manuels faisaient coup double, celui
d’enseigner les règles de savoir-vivre en même temps que l’écriture
manuscrite. L’ouvrage montre bien les cousinages entre la
typographie de civilité et les manuels de calligraphie destinés à
enseigner l’art de bien former les lettres, la ronde et la
bâtarde.
On regrette juste que cette partie consacrée aux productions
proprement calligraphiques des Maitres-écrivains, les Louis
Senault, les Honoré-Sébastien Roillet, etc, ne soit pas plus
développée. Sans doute par ce que leurs ouvrages étaient plus
souvent gravés que typographiés.
A la fin de l’ouvrage un appendice donne un inventaire utile des
principales éditions de livres scolaires rédigés avec des
caractères de civilité, depuis les Règles de la Bienséance de JB de
la Salle, pour qui voudrait commencer une collection de ces
impressions pittoresques.
Impossible de traiter sur une seule page, fut-elle internet, de
toute la richesse du livre de Rémi Jimenes, Le mieux reste de le
lire. Bon, je vous laisse, et j’y retourne…
C'est un réel plaisir de vous présenter l'ouvrage fraîchement
paru de l'un des premiers lecteurs du blog, Rémi Jimenes. Son
ouvrage Les Caractères de civilité, Typographie et
calligraphie sous L'Ancien Régime, vient effectivement de
paraître à éditions Atelier Perrousseaux Editeur (29,50€), et il
est superbe.
J'ai déjà eu l'occasion de le
feuilleter pendant toute une soirée et j'attends avec impatience
d'avoir un peu de temps pour me plonger dans ce qui me semble déjà
être un nouvel ouvrage de référence sur le sujet. Mais pour vous
donner une première impression, c'est vraiment très très
intéressant même pour le non spécialiste que je suis. C'est très
bien écrit, et on se laisse porter par l'histoire dans l'Histoire.
J'aime beaucoup.
Rémi étant un fidèle du blog, il
a accepté de se prêter au petit jeu de l'entretien pour les
lecteurs du blog, afin de nous en dire plus sur lui, ses recherches
et son ouvrage.
Rémi, quel a été ton parcours
jusqu'à la parution de l'ouvrage?
Après deux
années de khâgne à Orléans et une licence d'histoire, je me suis
orienté vers un master en histoire du livre à Tours, au Centre
d’études supérieures de la Renaissance. J’y ai consacré mon mémoire
à la carrière de Charlotte Guillard, veuve des imprimeurs Berthold
Rembolt et Claude Chevallon. Je poursuis aujourd’hui cette
recherche en doctorat. Parallèlement je collabore au projet de
numérisation des Bibliothèques Virtuelles Humanistes.
Comment
l'idée de cet ouvrage a-t-elle germé?
À la fin de
l’année 2009, j'ai été mis en contact avec Yves Perrousseaux, qui
recherchait des photographies pour illustrer son Histoire de
l'écriture typographique. Comme je m'intéressais à l’histoire
de la calligraphie, il m'a demandé quelques renseignements sur le
sujet, avant de me proposer la rédaction d'un livre consacré aux
rapports entre typographie et calligraphie. Ce vaste sujet
dépassait de loin mes modestes compétences. Cependant, depuis
plusieurs années je rassemblais de la documentation sur les
caractères de civilité. J’ai donc proposé à Yves d’aborder les
rapports entre typographie et calligraphie à travers l’histoire de
la lettre de civilité.
Mais
que sont les caractères de civilité ?
Gravés par
Robert Granjon en 1557, les caractères de civilité imitent la
gothique cursive des secrétaires français de la
Renaissance.
Cette
typographie est surtout connue pour l’utilisation qu’en ont faite
les imprimeurs aux XVIIIe et XIXe
siècles : le caractère ne servait plus alors qu’à imprimer des
manuels de savoir-vivre et de bienséance, qui ont donné leur nom à
cette typographie. Mon livre rejoint ceux d'Yves Perrousseaux
dans la collection « Histoire de l'écriture
typographique ». Cette collection, bien connue des amateurs
comme des professionnels, rassemble des ouvrages de référence
copieusement illustrés. Les derniers volumes sont tous imprimés en
quadrichromie.
L'ouvrage
est en effet magnifique, qu'apporte-t-il à l'histoire des
caractères de civilité?
Plusieurs
auteurs s'étaient auparavant intéressés à l’histoire des caractères
de civilité. En 1966, Harry Carter et Hendrik Vervliet ont publié
en anglais un livre entièrement consacré au sujet. Leur livre, qui
recense les polices gravées à la Renaissance et étudie leurs
origines, demeure une référence incontournable. Il n'était bien sûr
pas question pour moi de « refaire » le Carter-Vervliet,
mais d’adopter une approche différente du sujet : d'une part,
en ne m'intéressant pas exclusivement au graphisme des caractères
mais à leur utilisation par les imprimeurs (pour quels textes?) et
à leur réception par le public (avaient-il du succès?) ; et
d'autre part, en élargissant le cadre chronologique de cette
enquête.
On connaît
bien l’histoire de l’invention de cette typographie, mais on
n’avait pas encore regardé précisément ce qu'elle devenait aux
XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cet élargissement du cadre
chronologique m’a permit de montrer que les caractères de civilité
disparaissent totalement des presses françaises dans la seconde
moitié du XVIIe siècle, pour ne réapparaître qu'en 1703 avec la
publication des Règles de la Bienséance et de la Civilité
chrétienne de Jean-Baptiste de La Salle.
Il m’a alors
paru intéressant d'interroger les causes de cette disparition et
les raisons de la «résurrection» de cette typographie en 1703.
Malgré leur apparent archaïsme, les caractères de civilité étaient
employés pour des motifs pédagogiques clairement définis.
Un autre
volet important de mon travail est sans doute la mise en relation
de la typographie avec l’histoire de la calligraphie. La variation
des modes calligraphiques en France du XVIe au XIXe siècle, le
passage de l'écriture gothique à la ronde, puis de la ronde à la
coulée et enfin à l'anglaise, a naturellement affecté l'utilisation
des caractères de civilité qui servaient non seulement pour
l’apprentissage de la lecture, mais également pour l’apprentissage
de la calligraphie. J’ai ainsi volontairement profité de l’occasion
pour donner quelques précisions sur l’histoire, finalement mal
connue, de la calligraphie française sous l’Ancien Régime.
Je présente
également quelques modèles d’écriture tirés non pas des grands
manuels d’Alais de Beaulieu, Saintomer ou Royllet, ces rolls-royce
de la calligraphie, mais tirés de petites brochures rares et peu
connues, celles qu’avaient précisément dans les mains les enfants
des classes populaires.
(...)
Article dans la revue Plume mars-mai 2011
Article de "La Marseillaise"
Le Pays de Forcalquier-Montagne de
Lure est ancré dans l'histoire de la typographie. Le
village de Lurs y accueille «Les Rencontres
Internationales de Lure», créées en 1952 par
MaximilienVox et, plus récemment, la
Communauté de Communes a été labellisée «Pays du Livre
et de l'écriture», dans le but de fédérer les professionnels du
livre et de leur donner les moyens d'exercer leur activité. Après
avoir habité Forcalquier, YvesPerrousseaux est maintenant installé à
Reillanne: «Actuellement à la retraite, j'occupe mon
temps, avec un plaisir certain,à réaliser une Histoire de
l'écriture typographique, en plusieurs tomes, de
Gutenberg ou 20' siècle». Le Bas-Alpin explique
qu'«une telle démarche n'avait pas été réalisée depuis les travaux
de FrancisThibaudeau au début des années
1920. Je veux transmettre, d'une façon didactique, ce patrimoine
culturel mal connu, en France du moins,qui a fixé à travers les
époques,les modes et l'évolution des techniques, la pensée de
l'homme dans le livre et d'une façon plus générale dans l'imprimé».
L'ensemble de cette Histoire de l'écriture typographique,
en plusieurs volumes,est conçu pour proposer une vision générale et
complète du sujet. C'est en quelque sorte une véritable
encyclopédie de la typographie,et c'est une première dans le
monde.«De gros problèmes de santé m'ont fait perdre plus de deux
ans,continue YvesPerrousseaux. Mais que les lecteurs
se rassurent : le troisième volume vient de paraître, le quatrième
est en préparation,il sera consacré au 19e
siècle...»
L'atelier Perrousseaux l'éditeur vient de s'offrir
une cure de jouvence et arbore, désormais un nouveau
logo, remis à jour de la première livrée créée
par YvesPerrousseaux à la fin des années
1960,dans le que l'on retrouve toujours le hibou,vénérable emblème
de la maison. Ce changement n'est pas uniquement cosmétique,
puisqu'il préfigure la nouvelle ligne éditoriale de
Perrousseaux pour 2011. En effet,outre les ouvrages de
typographie et de graphisme qui continuent d'être le
cœur de la collection, l'année qui vient verra arriver
également deux nouvelles sous-catégories au sein du catalogue:
Bandes dessinées et Internet. La collection Bandes
dessinées présentera des ouvrages d'analyse et de réflexion autour
du 9"art, point de convergence logique des thèmes chers à l'atelier
Perrousseaux (l'image et le langage) ; les deux
premiers titres,Entre l'élite et la plèbe de
Jean-NoelLafargue et L'espace blanc
entre les cases de StéphaneDeschamps, sortiront en fin d'année 2011. L'autre
nouveauté, la collection Internet, aura pour but
d'éditer des ouvrages de typographie adaptés et destinés aux
développeursWeb, répondant clairement à
des problématique en perpétuelle évolution. Les deux premiers
titres, qui traiteront de la Lisibilité de la typographie sur
Internet et des Grilles & de la
macro-typographie de la page Web,
signés respectivement par AurélienFoutoyet et Anne-SophieFradier, seront publiés à la fin 2011.
Article dans Tm rsi stm 2010-06
«L'écriture chinoise» _ Tel est le titre du septième
cahier de la collection KitabTabulae,
publiée sous la férule de StéphaneIpert,
directeur du Centre de conservation du livre d'Arles,
coédité par l'Atelier Perrousseaux. Il
s'agit de la traduction française d'un ouvrage rédigé en
anglais par OliverMoore.
S'il semble peu probable que l'écriture soit apparue en Chine à
l'époque néolithique (vers 6000'1700 av.
J.C.), on estime, en revanche, que la véritable
écriture chinoise émerge dans l'Etat Shang en 1200 av.
J. oc. Ce livre présente en conséquence un des plus anciens
systèmes d'écriture au monde. Il rassemble, de façon intéressante,
les principes de base du langage et ceux de la formation et de
l'évolution des caractères chinois. A partir de
nombreux exemples révélés par l'archéologie et le témoignage de
documents conservés dans les musées, l'auteur décrit
chronologiquement les principales écritures chinoises, toujours en
usage.
Enseignant actuellement l'art et la culture de la Chine à
l'Institut de sinologie de l'Université de Leyde,
OliverMoore a précédemment
œuvré au Département of Oriental
Antiquities du BritishMuseum. C'est un spécialiste de l'écriture, de
l'épigraphie et des objets en bronze chinois.
(...)
Aborder, par cette pertinente édition de base, le système
d'écriture propre à l'immense étendue géographique que représente
la Chine, cela invite à la réflexion, voire incite à
l'approfondissement.