Rémi Jimenes
Actualitté
" Les éditions Adverbum (Atelier Perrousseaux Éditeur) ont préparé le cadeau idéal pour les amateurs de graphisme et de belles lettres : un coffret de 7 ouvrages rédigés par une quinzaine de spécialistes, sous la direction de Jacques André, pour reconstituer une Histoire de l’écriture typographique au XXe siècle. La parution de ce coffret s'accompagne d'une journée d'études à l'École des chartes le 7 décembre prochain. "
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Les sept volumes de la collection ont été réunis dans un magnifique coffret et cet ensemble précieux, riche de plus de 3 000 illustrations, dédié aux enseignants, aux étudiants, aux professionnels mais aussi à tous les amateurs de la lettre imprimée, nous donne à voir la typographie dans tous ses aspects et saura à coup sûr aiguiser les curiosités et servir de base à de nouvelles explorations et de futures métamorphoses.
Ouvrage associé :
Collection Histoire de l'écriture typographique - (Coffret de 7 volumes)
Revue Française d'Histoire du Livre, N° 135
Cet ouvrage s'insère dans une collection qui présente par ailleurs, en quatre 'volumes et sept tomes dus à Yves Perrousseaux, une histoire chronologique de l'écriture typographique, de Gutenberg au XIXe siècle. Touces livres ont d'abord comme première caractéristique d'être tre beau, cartonnés, somptueusement illustrés et... remarquablement imprimé, tout cela à un prix tres raisonnable. Mais les textes sont également passionnant et fournissent des synthèses à la fois commodes et savante ur des sujet ou les publications sont rares et souvent très spécialisées, sans craindre de poser des problématiques pertinentes et d'ouvrir de nouvelles pistes de recherches. Le spécialiste, le bibliophile, ou simplement le curieux, peuvent donc être concernés.
Ouvrages associés :
Histoire de l'éducation
• Ainsi, Père et Mère, vous voyez l'obligation indispensable que vous avez de prendre très grand soin de vos enfants •. En ouvrant le superbe ouvrage de Rémi Jimenez, on découvre dans la double page de garde la reproduction agrandie, blanc sur fond noir, d'une planche en • caractères de civilité •. Datée de 1742, elle provient de chez Claude Lamesle, fondeur de caractères et on apprend avec surprise que cette typographie imitant la cursive gothique ne prend ce nom que vers 1740: choisie par J.-B. de La Salle pour Les règles de la bienséance et de la civilité chrétienne, c'est seulement après s'être répandue dans toutes les écoles des Frères que son nom se banalise. Dès lors, les impri-més antérieurs de même facture seront désignés sous ce nom. De quand date-t-elle? Inventée à Lyon par Granjon en 1557, elle se nomme à l'époque • Lettre française d'art de main •. à cause de sa proximité inégalée avec l'écriture manuscrite (ligatures, boucles, effets de traîne). Destinée à concurrencer les • écritures italiques •. elle est protégée par un privilège royal et les graveurs vendent des poinçons dans toute la France et dans l'Europe du Nord (Allemagne, Angleterre, Flandres, Pays-Bas, Suisse). pour des éditions poétiques, musicales, les traductions en français (vis-à-vis de l'original en romain) et, bien sûr, des livres scolaires : la Civilité puérile adaptée d'Érasme, les Quatrains de Pibrac, les Quatre Livres de Caton, le Catéchisme latinjrançais de Calvin.
Pourtant, le succès de cette cursive imprimée est bref : les caractères gothiques reculent devant les romains et les manuscrits des actes officiels se mettent à suivre les nouveaux modèles d'écriture proposés par les Italiens. En 1633, les seules écritures manuscrites autorisées par le roi sont la ronde (française) et la bâtarde (italienne). Les caractères de civilité sont alors abandonnés. Pourquoi J.-B. de La Salle va-t-illes faire renaître soixante-dix ans plus tard ?
Pour Rémi Jimenez, la raison est de stricte commodité : les caractères de civilité, difficiles à déchiffrer pour qui a appris à lire en lettres romaines, ont l'avantage de présenter aux élèves l'écriture imprimée qui se rapproche le plus de la ronde qu'ils ont à écrire. C'est donc au moment où ils sont mis à la plume que les Frères donnent à lire la Civilité, répertoire de modèles à imiter autant que livre de lecture. Cette étape prépare à la • lecture des registres » (les véritables manuscrits). L'usage lassallien déborde les écoles chrétiennes et nourrit l'édition populaire des livrets de colportage. Les fontes anciennes, parfois un peu modernisées, sont donc consacrées aux Civilités et à elles seules, si bien que les typographes troyens conservent les planches composées, s'épargnant la peine et le temps d'une nouvelle composition (nombre d'errata persistent d'une édition à l'autre). Des milliers de livrets sont ainsi rapidement réimprimés, réapprovisionnant à bas prix les libraires et les colporteurs. Lorsque les maîtres abandonnent l'écriture la ronde pour • la coulée •. puis pour • l'anglaise » qui s'impose au XIXe siècle dans le commerce et l'administration, les caractères de civilité disparaissent définitivement. Richement illustré et précisément annoté, le livre de Rémi Jimenez, pour qui les écritures manuscrites ou imprimées n'ont pas de secret, documente ainsi avec précision et clarté la pédagogie populaire de l'Ancien Régime. Grâce à lui, nous rendrons à La Salle ce que les vulgates attribuaient à Érasme : pour l'histoire de l'école, ce n'est pas rien.
Ouvrages associés :
Histoire de l'éducation
• Ainsi, Père et Mère, vous voyez l'obligation indispensable que vous avez de prendre très grand soin de vos enfants ' · En ouvrant le superbe ouvrage de Rémi Jimenez, on découvre dans la double page de garde la reproduction agrandie, blanc sur fond noir, d'une planche en • caractères de civilité •. Datée de 1742, elle provient de chez Claude Lamesle, fondeur de caractères et on apprend avec surprise que cette typographie imitant la cursive gothique ne prend ce nom que vers 1740 : choisie par J .-B. de La Salle pour Les règles de la bienséance et de la civilité chrétienne, c'est seulement après s'être répandue dans toutes les écoles des Frères que son nom se banalise. Dès lors, les imprimés antérieurs de même facture seront désignés sous ce nom.
De quand date-t-elle? Inventée à Lyon par Granjon en 1557, elle se nomme à l'époque • Lettre française d'art de main •. à cause de sa proximité inégalée avec l'écriture manuscrite (ligatures, boucles, effets de traîne) . Destinée à concurrencer les • écritures italiques •. elle est protégée par un privilège royal et les graveurs vendent des poinçons dans toute la France et dans l'Europe du Nord (Allemagne, Angleterre, Flandres, Pays-Bas, Suisse), pour des éditions poétiques, musicales, les traductions en français (vis-à-vis de l'original en romain) et, bien sûr, des livres scolaires : la Civilité puérile adaptée d'Érasme, les Quatrains de Pibrac, les Quatre Livres de Caton, le Catéchisme latin : français de Calvin.
Pourtant, le succès de cette cursive imprimée est bref : les caractères gothiques reculent devant les romains et les manuscrits des actes officiels se mettent à suivre les nouveaux modèles d'écriture proposés par les Italiens.
En 1633, les seules écritures manuscrites autorisées par le roi sont la ronde (française) et la bâtarde (italienne). Les caractères de civilité sont alors abandonnés. Pourquoi J.-B. de La Salle va-t-il les faire renaître soixante-dix ans plus tard?
Pour Rémi Jimenez, la raison est de strtcte commodité : les caractères de civilité, difficiles à déchiffrer pour qui a appris à lire en lettres romaines, ont l'avantage de présenter aux élèves l'écriture imprimée qui se rapproche le plus de la ronde qu'ils ont à écrire. C'est donc au moment où ils sont mis à la plume que les Frères donnent à lire la Civilité, répertoire de modèles à Imiter autant que livre de lecture. Cette étape prépare à la • lecture des registres • (les véritables manuscrits). L'usage lassallien déborde les écoles chrétiennes et nourrit l'édition populaire des livrets de colportage. Les fontes anciennes, parfois un peu modernisées, sont donc consacrées aux Civilités et à elles seules, si bien que les typographes troyens conservent les planches composées, s'épargnant la peine et le temps d'une nouvelle composition (nombre d'errata persistent d'une édition à l'autre). Des milliers de livrets sont ainsi rapidement réimprimés, réapprovisionnant à bas prix les libraires et les colporteurs.
Lorsque les maîtres abandonnent l'écriture la ronde pour • la coulée •. puis pour • l'anglaise • qui s'impose au XIX' siècle dans le commerce et l'administration, les caractères de civilité disparaissent définitivement. Richement Illustré et précisément annoté, le livre de Rémi Jimenez, pour qui les écritures manuscrites ou Imprimées n'ont pas de secret, documente ainsi avec précision et clarté la pédagogie populaire de l'Ancien Régime. Grâce à lui, nous rendrons à La Salle ce que les vulgates attribuaient à Érasme : pour l'histoire de l'école, ce n'est pas rien.
Anne-Marte CHARTIER
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Revue d'Histoire Ecclésiastique
Malgré les bons travaux déjà publiés sur le sujet, les caractères de civilités n'ont pas encore livré tous leurs secrets. Même si cette appellation n'est pas d'origine, elle est désormais entrée dans les usages: elle désigne une typographie gothique reproduisant l'écriture cursive répandue en France au milieu du 16e s. Tout en reprenant l'ensemble de l'histoire de cette famille de caractères, R. J. apporte surtout du nouveau en mettant en lumière la renaissance de ces caractères au 18e s. Mais pourquoi présenter un travail concernant la typographie dans une revue d'histoire ecclésiastique? Aussi curieux que cela puisse paraître, les caractères de civilité sont liés à l'histoire religieuse. Leur
premier essor a été nettement favorisé par les protestants français, comme l'avait montré Herman de La Fontaine Verwey. R. J. se contente de le rappeler assez rapidement. Par contre la renaissance du 18e s., qui n'avait jamais été mise en lumière jusqu'ici, est due a` une initiative de Jean-Baptiste de La Salle. Après les réformés, voici les catholiques qui s'emparent de cet instrument de diffusion. En fait, par son rapprochement avec l'écriture manuscrite, le caractère de civilité a été perçu par les pédagogues comme un outil performant pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Cette typographie n'a pas été réservée exclusivement aux manuels scolaires, mais ceux-ci en ont beaucoup bénéficié. De même, son usage n'a pas été exclusivement français, comme pourrait le faire croire le titre de l'ouvrage. Les caractères de civilité ont aussi été utilisés dans l'Europe du Nord, en Angleterre et surtout aux Pays-Bas. L'ouvrage très abondamment illustré se lit fort agréablement. Il révèle des aspects de la typographie largement ignorés.
Une annexe bibliographique des manuels scolaires en caractère de civilité parus entre 1703 et 1863 prouve la réalité du renouveau des caractères de civilité durant ce siècle et demi. L'A., qui aime la précision, propose en outre sur internet un index alphabétique, des addenda et errata
(http://www.adverbum.fr/telechargements-gratuits-perrousseaux.html).
Jean-François Gilmont
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Caractères décembre 2011
Le sujet central de cet ouvrage est de présenter les relations entre typographie et écriture manuscrit. L'auteur articule son propos en deux partie. La première période voit la création des ac--caractères de civilités en 1557 suivie de leur disparition des presses au début XVIè siècle. En 1703, les voici à nouveau sous les feux de la rampe, lorsque paraît le manuel colaire destiné aux jeunes enfants : Les règles de la bienséance te de la civilité chrétienne, de Jean-louis Baptiste de La salle. Le succès est tel que le caractère ne va plus être employé que pour la composition des manuels de savoir-vivre, auxquels il emprunte son nom". Cette cursive gravée à l'origine par Robert Granjon, à laquelle on a donné le nom de "lettre française" imitant l'écriture manuscrite, souple et calligraphique, utilisée utilisées par les hommes de plume (...)
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nonfiction.fr
Les rapports qu’entretiennent l’écriture manuscrite et la typographie – en un constant jeu d’imitation, de rapprochement et de stylisation sont un terrain d’étude ancien mais où de nombreux travaux restent à mener. Ce que nous appelons depuis bien longtemps « caractère de civilité », par facilité , et qui n’est autre qu’une cursive gothique, aurait pu à cet égard sembler bien connue après plusieurs études de qualité tout au long des XIXe et XXe siècles. Rémi Jimenes renouvelle cependant les connaissances en étudiant ces caractères non d’un point de vue typographique mais de celui de leur emploi, par une approche diachronique, relevant à la fois de la bibliographie matérielle et de la sociologie de l’écrit.
L’auteur démontre en effet que ce caractère a eu une vie mouvementée. Loin d’avoir été utilisée sans interruption pendant plus de trois siècles comme on le croyait, la lettre de civilité a connu des périodes d’abandon et de retour en usage. Le caractère est créé en 1557 par un imprimeur lyonnais, Robert Granjon, qui cherche alors à imiter l’écriture des secrétaires français : il s’agit d’une écriture extrêmement cursive, qui nécessite l’emploi d’un grand nombre de ligatures. Cette « lettre françoise d’art de main » est protégée par privilège mais se diffuse néanmoins très rapidement : en 1600, toute l’Europe l’utilise. L’auteur propose un certain nombre d’exemples pour déterminer quel usage est fait de ce caractère : poésies, imprimés officiels, usages en lien avec la langue française par opposition aux autres, ouvrages de civilité proprement dits et autres ouvrages scolaires – puisque l’intérêt de cette écriture devait résider dans sa grande lisibilité.
Le reflux de l’usage du caractère est aussi brusque qu’avait été sa diffusion. Dans le contexte général de la disparition des caractères gothiques, le caractère de civilité ne trouve plus sa place, d’autant que les écritures manuscrites ont-elles-mêmes évolué : si l’on veut que la typographie ressemble à l’écriture de tous les jours, ce n’est plus la civilité qu’il faut utiliser. La connotation protestante de cette écriture (au XVIe siècle) ne facilite pas son maintien en vigueur.
Contre toute attente, le caractère de civilité connaît toutefois une seconde vie aux XVIIIe et au début du XIXe siècle. Jean-Baptiste de La Salle, fondateur des Frères des écoles chrétiennes, publie en 1703 les Règles de la bienséance et de la civilité chrétienne, qui remet au goût du jour une police qui n’est plus utilisée depuis près de cinquante ans. Rapidement, la lettre de civilité passe pour le caractère typique des manuels scolaires… et prend le nom dont on le désigne couramment. L’auteur recense plus de 200 éditions d’ouvrages de ce type avec un pic dans les années 1810-1830 : étrange retour de la typographie gothique au temps des Lumières… Le phénomène est même général ; Rémi Jimenes démontre que ce retour ne dépend pas de quelques imprimeurs ou n’est pas limité à quelques villes mais est visible dans l’ensemble des centres d’impression du territoire français. Devenu à peu près illisible car trop éloigné des habitudes du temps, le caractère finit par disparaître au milieu du XIXe siècle… bien qu’il soit encore utilisé de nos jours comme caractère exotique.
Retrouvez le blog non.fiction.fr ici !
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Graphe
Yves Perrousseaux nous avait dit tout le plaisir qu'il avait eu à mettre en pages ce livre, qui est très beau, très savant, et passionnant !
Il tient parfaitement sa place dans la collection "Histoire de l'écriture typographique". Rémi Jimenes nous raconte l'histoire des caractères crées par Robert Granjon en 1557, imitation de l'écriture manuscrite dans la typographie. Un livre qu'il faut avoir dans sa bibliothèque.
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Histoires du livre (blog)
Il est bien trop rare que les éditeurs modernes –entendons, les éditeurs d’aujourd'hui– accordent suffisamment d’importance à la «mise en livre» des manuscrits qui leur sont confiés. Pourtant, les travaux d’histoire du livre montrent bien non seulement que le texte ne saurait exister seul, mais que le livre en tant qu’objet apporte au lecteur, par les dispositifs matériels qu’il met en œuvre, bien autre chose que le seul texte. «Mettre en livre» avec compétence et élégance un livre qui traite précisément d’un aspect de la «mise en livre», à savoir l’histoire du caractère typographiques, est tout particulièrement bien venu.
On ne peut par conséquent qu’être reconnaissant à l’éditeur Atelier Perrousseaux de l’ouvrage que Rémi Jimenes a consacré aux Caractères de civilité d’avoir réussi à nous offrir un livre dont l’élégance formelle se combine avec un contenu textuel de qualité. L’étude de la typographie et des caractères reste trop peu développée en France, et encore mal intégrée aux travaux d’histoire générale du livre –une exception remarquable étant bien évidemment celle du Musée de l’imprimerie dirigé par Alan Marshall à Lyon. L’exposition d’Écouen sur Geoffroy Tory et son Champfleury constitue aussi, en ce moment même, une excellente occasion d’approcher ce domaine.
Rémi Jimenes, doctorant au CESR de Tours, définit les caractères de civilité, alias lettre française d’art de main, comme « une typographie gothique reproduisant l’écriture cursive qu’employaient les hommes de plume français au milieu du XVIe siècle » (p. 10). Histoire et civilisation du livre donnera de cet élégant volume un compte rendu circonstancié, mais le sommaire que nous publions ci-dessous donne une bonne image d’un contenu présenté à la manière d’une pièce de théâtre classique.
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leblogdegraphos.net
Les éditions Atelier Perrousseaux, qui nous ont déjà gratifiés de deux superbes volumes d’une Histoire Typographique qui est devenu un ouvrage de référence incontournable sur le sujet, viennent de faire paraître un nouvel ouvrage sur un sujet fort peu traité par les historiens de la typographie, j’ai nommé la « lettre française d'art de main » ou « lettre façon d'écriture », plus connue sous le nom de « lettre de civilité ». À la frontière de la typographie et de la calligraphie, ces lettres sont calquées sur une des cursives de l’époque et servaient à imprimer notamment des manuels éducatifs. On les composait dans ce caractère bien particulier en se disant qu’il était plus facilement lisible à l’âge où l’on apprend à lire et à écrire justement cette cursive scolaire. En dehors de l’ardu problème typographique qui consiste à rendre par des rectangles de plomb toutes les subtilités d’une cursive avec ligatures, trait continu et caetera, ces lettres sont très esthétiques et loin, dans leurs formes, des caractères romains et italiques auxquels une typographie plus classique nous a habitués et plus proches d'une cursive gothique que nous étudierons bientôt chez Graphos.
Découvrez donc dans cet ouvrage les liens qui ont perduré tardivement entre typographie et calligraphie, les influences réciproques (si, si) entre ces deux modes de production du texte écrit, cela vous donnera bien des idées et des modèles desquels vous inspirer pour calligraphier ce caractère un peu oublié du corpus calligraphique habituel. Les nombreuses illustrations sont accompagnées d’un texte remarquable de Rémi Jimenes qui met parfaitement en valeur à la fois la naissance, l'évolution et l’utilisation typographique de ce caractère mais aussi les influences de et sur la calligraphie de cette cursive, bien loin des modes d'inspirations qu’y puiseront plus tard Hermann Zapf ou Alan Blackman.
Bref, pour une fois un ouvrage qui met en lumière les nombreuses interrelations entre typographie et calligraphie et une bien belle source d’inspiration pour nous autres scribes.
>[Sylvie Litté]
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Le Bibliomane moderne (blog)
La sortie du beau livre de Rémi Jimenes sur les caractères de civilité était attendue avec impatience par de nombreux bibliophiles. Il vient heureusement compléter la série d’ouvrages d’Yves Perrousseaux sur l’histoire de la typographie.
La tâche était ambitieuse, aucun ouvrage en langue française de cette ampleur n’avait encore couvert le sujet, un comble pour un art typiquement français !
Sa lecture est un vrai plaisir ; on y apprend des tas de choses sur les « lettres françaises d’art de main », des origines à ses développements successifs (je dirais même ses mutations) jusqu’au XIXe siècle. On savait le style de ces caractères dérivé des écritures de chancellerie. Une nostalgie de copiste, pourriez-vous penser, que nenni ! Il s’agissait, au contraire, d’une volonté délibérée des humanistes de la Renaissance de « faire moderne » et d’affirmer la grâce et le caractère (c’est le cas de le dire !) des lettres françaises sur les italiennes.
Si Geoffroy Tory, le précurseur, défend la langue française, qui n’a rien à envier en beauté à la latine, c’est pourtant aux caractères romains qu’il s’attache à fixer les justes proportions. Il avait bien envisagé de traiter en parallèle des lettres françaises: « Si j’eusse pu trouver mention par écrit de nos susdites lettres de forme et bâtardes … je les eusse mis en ordre selon leur due proportion ». Et oui, seulement, il ne risquait pas d’en trouver en 1529, le bougre, puisque c’est Robert Granjon, en 1557, qui, le premier, publia un ouvrage en cursive gothique !
A l’origine de toute typographie il y a une écriture manuscrite que le graveur prend pour modèle, le style italique de Griffo des éditions aldines cherchait aussi à se rapprocher de l’art inimitable de la main. Mais les caractères de civilité se rapprochent plus fidèlement encore de la souplesse des lettres cursives ; à l’origine, ce sont des variantes de la gothique bâtarde (ce qui est plutôt paradoxale car l’écriture gothique n’était plus à la mode depuis quelques décennies, au point que Pétrarque écrivait déjà qu’elle avait été inventée pour autre chose que pour être lue !). Ensuite, il faut un modèle, les Maitres d’écriture royaux sont de bons candidats ; Pierre Habert, calligraphe et valet de chambre du Roi, a pu inspirer Granjon, tandis que Pierre Hamon, calligraphe réputé, a inspiré Philippe Danfrie.
Il faut avoir l’œil exercé pour distinguer tel type à tel autre, mais comme les autres ouvrages de la série, celui-ci est très pédagogique et il vous donne l’inventaire des différents types, comme ceux de Granjon, par exemple : les capitales, les bas de casse, les ligatures, les finales. Voilà l’art de main décodé !
Cette nouvelle typographie sera contrefaite malgré le privilège dont bénéficie Granjon pour 10 ans, et se diffusera rapidement, en France mais aussi à l’étranger, notamment dans les pays du Nord. Pourtant, le caractère de civilité ne parviendra jamais à supplanter les lettres romaines. Il est d’un usage plus difficile pour l’imprimeur, et le crénage des types les rend fragiles à la presse.
Ce que le livre de Rémi Jimenes montre bien c’est la fortune en dent de scie de cette typographie. A la mode de 1560 à 1620, elle disparait presque complètement au XVIIe siècle, pour revenir en force au début du XVIIIe siècle. Seule exception confirmant la règle, le météore Pierre Moreau, qui invente une nouvelle typographie tirée des arts de la main, selon une démarche proche de celle de Robert Granjon. Mais il appartient à la corporation des Maitres-écrivains et non à celle des imprimeurs et son expérience sera vite brisée par ces derniers.
Le gothique cursif s’offre donc un come back tonitruant dans les années 1730 grâce à Jean Baptiste de la Salle, le fondateur des Ecoles Chrétiennes, qui publie en 1703 Les Règles de la Bienséance et de la Civilité Chrétienne. Cette fois le pli est pris, il deviendra difficile ensuite de publier un livre de civilité qui ne soit pas composé avec ces caractères, sauf bien plus tard, lorsque les éditeurs ne verront plus de motifs à suivre un style que plus personne n’utilise et ne lit facilement. C’est l’âge d’or de la civilité, plus de 200 ouvrages ont été comptabilisés entre 1703 et 1863 !
Les lettres sages et bien alignées de Granjon et de ses suiveurs étaient principalement réservées aux textes officiels, aux ordonnances, privilèges et autres épitres dédicatoires, mais le Gothic Revival de la période suivante touchera surtout les éditions populaires et la production de colportage : mauvais papier, souvent manipulés par les enfants, reliures modestes (si on excepte le maroquin bleu de Duru pour l’exemplaire du Baron Pichon des Règles de la Bienséance !). Ces manuels faisaient coup double, celui d’enseigner les règles de savoir-vivre en même temps que l’écriture manuscrite. L’ouvrage montre bien les cousinages entre la typographie de civilité et les manuels de calligraphie destinés à enseigner l’art de bien former les lettres, la ronde et la bâtarde.
On regrette juste que cette partie consacrée aux productions proprement calligraphiques des Maitres-écrivains, les Louis Senault, les Honoré-Sébastien Roillet, etc, ne soit pas plus développée. Sans doute par ce que leurs ouvrages étaient plus souvent gravés que typographiés.
A la fin de l’ouvrage un appendice donne un inventaire utile des principales éditions de livres scolaires rédigés avec des caractères de civilité, depuis les Règles de la Bienséance de JB de la Salle, pour qui voudrait commencer une collection de ces impressions pittoresques.
Impossible de traiter sur une seule page, fut-elle internet, de toute la richesse du livre de Rémi Jimenes, Le mieux reste de le lire. Bon, je vous laisse, et j’y retourne…
Ouvrages associés :
http://bibliophilie.blogspot.com
C'est un réel plaisir de vous présenter l'ouvrage fraîchement paru de l'un des premiers lecteurs du blog, Rémi Jimenes. Son ouvrage Les Caractères de civilité, Typographie et calligraphie sous L'Ancien Régime, vient effectivement de paraître à éditions Atelier Perrousseaux Editeur (29,50€), et il est superbe.