Caractères décembre 2011Rédigé le Jeudi 1 décembre 2011
Caractères décembre 2011
Le sujet central de cet ouvrage est de présenter les relations entre typographie et écriture manuscrit. L'auteur articule son propos en deux partie. La première période voit la création des ac--caractères de civilités en 1557 suivie de leur disparition des presses au début XVIè siècle. En 1703, les voici à nouveau sous les feux de la rampe, lorsque paraît le manuel colaire destiné aux jeunes enfants : Les règles de la bienséance te de la civilité chrétienne, de Jean-louis Baptiste de La salle. Le succès est tel que le caractère ne va plus être employé que pour la composition des manuels de savoir-vivre, auxquels il emprunte son nom". Cette cursive gravée à l'origine par Robert Granjon, à laquelle on a donné le nom de "lettre française" imitant l'écriture manuscrite, souple et calligraphique, utilisée utilisées par les hommes de plume (...)
tm rsi stm oct 2011Rédigé le Mardi 15 novembre 2011
tm rsi stm oct 2011
L'ouvrage de David Rault, directeur de collection à l'Atelier Perrousseaux, consacré à Roger Excoffon et sous-titré «Le gentleman de la typographie », est fort différent du livre édité par Ypsilon sur l'œuvre du même designer (RSI No 1-2/2011). Au côté scientifique et rigoriste du premier ouvrage (doté d'une mise en pages épurée) répond la présentation grandiloquente, voire criarde, du second. Ce qui ne veut pas dire que ce dernier manque d'intérêt! Il est relativement complémentaire, explorant le côté graphique que n'avait qu'effleuré le livre paru l'an dernier, concentré sur les caractères et la Fonderie Olive. L'aspect humain du concepteur français, né en 1910, est particulièrement mis en évidence (renforcé par l'insertion d'un cahier de seize pages intitulé «L'album Jean Dieuzaide» -un photographe des années soixante qui, sous le pseudonyme de Yan, avait promené son objectif aux Rencontres internationales de Lure).
Dès la présentation liminaire, le texte est fondé sur un entretien remontant à 1977 (et resté inédit), transcrit par François Richaudeau. Autre particularité précieuse, des témoignages apportent un éclairage bienvenu. Ils sont dus à FHK Henriod (1986), Peter Knapp, Massin, l'artiste gestuel Georges Mathieu, José Mendoza, Hrant Papazian, Yves Perrousseaux, Jean-François Porchez, François Richaudeau, Maximilien Vox (1986). Quelques textes qu'avait rédigés le designer explicitent également une démarche originale et marquante.
Le point fort du nouvel ouvrage est constitué par une iconographie abondante et de qualité, renfermant notamment, outre les caractères, les réalisations publicitaires, voire artistiques d'Excoffon. Plusieurs planches, tirées de diverses archives, sont reproduites pour la première fois. Prospectus, logotypes, affiches, couvertures (une douzaine de la revue Techniques graphiques, entre 1956 et 1970), sont passés en revue. Quant aux dessins de Charles Berberian, je m'interroge ... Ne troublent-ils pas l'œuvre présentée?
De ce créateur typographique, qui a conçu une palette légendaire d'écritures, l'auteur écrit que même si «ses caractères n'avaient pas la poly-valence des alphabets suisses, ils étaient entiers, habités d'une force et d'une personnalité peu communes; ils furent utilisés massivement dans les années 1950 et 1960 ... ». En conclusion, on se plaît à constater que c'est également l'affichiste, le publicitaire, l'artiste et le président des rendez-vous lursiens qui, pour no· tre plaisir, revit dans ces pages hautes en couleurs.
Les rapports qu’entretiennent l’écriture manuscrite et la typographie – en un constant jeu d’imitation, de rapprochement et de stylisation sont un terrain d’étude ancien mais où de nombreux travaux restent à mener. Ce que nous appelons depuis bien longtemps « caractère de civilité », par facilité , et qui n’est autre qu’une cursive gothique, aurait pu à cet égard sembler bien connue après plusieurs études de qualité tout au long des XIXe et XXe siècles. Rémi Jimenes renouvelle cependant les connaissances en étudiant ces caractères non d’un point de vue typographique mais de celui de leur emploi, par une approche diachronique, relevant à la fois de la bibliographie matérielle et de la sociologie de l’écrit.
L’auteur démontre en effet que ce caractère a eu une vie mouvementée. Loin d’avoir été utilisée sans interruption pendant plus de trois siècles comme on le croyait, la lettre de civilité a connu des périodes d’abandon et de retour en usage. Le caractère est créé en 1557 par un imprimeur lyonnais, Robert Granjon, qui cherche alors à imiter l’écriture des secrétaires français : il s’agit d’une écriture extrêmement cursive, qui nécessite l’emploi d’un grand nombre de ligatures. Cette « lettre françoise d’art de main » est protégée par privilège mais se diffuse néanmoins très rapidement : en 1600, toute l’Europe l’utilise. L’auteur propose un certain nombre d’exemples pour déterminer quel usage est fait de ce caractère : poésies, imprimés officiels, usages en lien avec la langue française par opposition aux autres, ouvrages de civilité proprement dits et autres ouvrages scolaires – puisque l’intérêt de cette écriture devait résider dans sa grande lisibilité.
Le reflux de l’usage du caractère est aussi brusque qu’avait été sa diffusion. Dans le contexte général de la disparition des caractères gothiques, le caractère de civilité ne trouve plus sa place, d’autant que les écritures manuscrites ont-elles-mêmes évolué : si l’on veut que la typographie ressemble à l’écriture de tous les jours, ce n’est plus la civilité qu’il faut utiliser. La connotation protestante de cette écriture (au XVIe siècle) ne facilite pas son maintien en vigueur.
Contre toute attente, le caractère de civilité connaît toutefois une seconde vie aux XVIIIe et au début du XIXe siècle. Jean-Baptiste de La Salle, fondateur des Frères des écoles chrétiennes, publie en 1703 les Règles de la bienséance et de la civilité chrétienne, qui remet au goût du jour une police qui n’est plus utilisée depuis près de cinquante ans. Rapidement, la lettre de civilité passe pour le caractère typique des manuels scolaires… et prend le nom dont on le désigne couramment. L’auteur recense plus de 200 éditions d’ouvrages de ce type avec un pic dans les années 1810-1830 : étrange retour de la typographie gothique au temps des Lumières… Le phénomène est même général ; Rémi Jimenes démontre que ce retour ne dépend pas de quelques imprimeurs ou n’est pas limité à quelques villes mais est visible dans l’ensemble des centres d’impression du territoire français. Devenu à peu près illisible car trop éloigné des habitudes du temps, le caractère finit par disparaître au milieu du XIXe siècle… bien qu’il soit encore utilisé de nos jours comme caractère exotique.
Histoire de l'écriture typographique _ Après avoir conté la genèse des caractères d'imprimerie, de Gutenberg au XVIIe siècle, Yves Perrousseaux prolonge sa saga illustrée. Pour explorer le XVIIIe siècle, ce sont deux tomes de 240 pages chacun qu'il vient de publier aux Editions Adverbum. Pour la rédaction de ces volumes, l'auteur se décrit comme un «transmetteur de connaissances », ayant eu recours aux contributions de spécialistes Oacques André, pour une part importante, dont un de ses sujets de prédilection: les vignettes à combinaison; Claude·Laurent François; Rémi Jimenes, James Mosley ... ), voire s'étant appuyé sur les travaux de confrères disparus, tels que René Ponot ou Fernand Baudin. Ce qui n'empêche pas que chacun s'accordera pour louer son impressionnant travail de compilation et de recherche. Par rapport au premier tome, de nombreuses illustrations en quadrichromie et en taille réelle ont été insérées. Elles constituent une source de choix pour le lecteur curieux du passé typographique. Un quatrième volume consacré au XIXe siècle est annoncé.
En plus de diverses «pauses », c'est·à·dire de l'insertion de textes liés aux arts graphiques mais ne concernant pas directement les caractères d'imprimerie, l'auteur n'a pas hésité à élargir ses investigations.
Par exemple en présentant l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Laquelle offre peu d'intérêt au point de vue de la typographie pure, mais recèle un intérêt considérable au point de vue éditorial: vingt·huit volumes (dont douze renfermant des planches d'illustrations et leurs légendes) ! Le chiffre de tirage du premier tome, initialement prévu à 1625 exemplaires (nombre important pour l'époque), avait in extremis été porté à 2500. Les souscriptions dépassant toutes les prévisions (4000), il fallut réimprimer les premiers volumes ... Si bien que, entre 1751 et 1782, ce sont 125 000 exemplaires qui furent vendus.
Quant auxdites pauses, après avoir concerné la gravure d'illustrations, l'écriture manuelle ou l'origine de la langue française, elles ont trait, cette fois·ci, à la composition typographique de la musique; aux écritures réalisées au pochoir; aux lettres de privilège pour l'impression; aux mesures typographiques. Dans le foisonnement des séquences présentées, je relèverai quelques aspects particuliers ... Par exemple, l'action de John Baskerville, qui a réalisé ses caractères «en fonction de ses goûts et non de la mode de l'époque ». Et l'auteur de préciser que cette célébrité britannique «imprima des bibles et des livres de prières non parce qu'il était croyant, mais parce que ces ouvrages correspondaient à un marché». A côté du caractère Baskerville, dont la popularité n'a guère faibli, le Bell, peu connu mais non moins intéressant, marque aussi la transition vers les Didones. Relevons encore un portrait étonnant, celui de Prosper Marchand qui, en 1740, rédigea une Histoire de l'origine et des premiers progrès de l'imprimerie. Quant à la reprise de l'inventaire de Fournier (datant de 1766) relatif aux« principales fonderies de caractères en Europe », on constate l'absence de la Fonderie Haas, née en ... 1580.
L'analyse que fait YVes Perrousseaux du fameux livre de Martin Dominique Fertel, intitulé La science pratique de l'imprimerie, est assez proche de celle que nous avait offerte Fernand Baudin -mais L'Effet Gutenberg de ce dernier souffre de la relative médiocrité de ses illustrations. La présentation «du Fertel», premier ouvrage techni-que, en langue française, relatif à notre métier, est passionnante. D'autant plus que l'œuvre ne souffre «pas de mots d'enflure, comme disait Pascal ». On pourrait par-ler aussi du fameux livre de Joseph Moxon (1683) ... Dans son style rédactionnel singulier et une présentation qui lui est propre, Yves Perrousseaux met sous les yeux des typographes francophones une brassée d'images et de textes historiques qui, indéniablement, enrichit leur connaissance des caractères d'imprimerie et du passé typographique. Même si cette série n'est pas exempte de quelques répétitions et incongruités rédactionnelles, voire se démarque dans sa forme et sa mise en pages de critères «helvétiques », elle n'en demeure pas moins attachante. Personnellement, j'avoue éprouver beaucoup de plaisir (et d'intérêt!) à vagabonder à travers de flamboyantes reproductions, à lire des pages d'où émane l'odeur du plomb ...
Vegas characters Rédigé le Vendredi 1 juillet 2011
Vegas characters
GraphosRédigé le Lundi 6 juin 2011
Graphos
Décidément, Roger Excoffon est à la mode. Après l’exposition d’Amiens , qui sera visible cet automne au Musée de l’Imprimerie à Lyon, après le livre de Sandra Chamaret, Julien Gineste et Sébastien Morlighem chez Ypsilon, voici que les éditions Atelier Perrousseaux nous proposent un « Roger Excoffon, le gentleman de la typographie » écrit par David Rault. Bien heureusement, si comme on pouvait s’y attendre les deux livres contiennent une part commune, ils explorent chacun une facette différente du personnage. Et si le livre de Sebastien Morlighem se concentre sur les réalisations d’Excoffon, explorant coins et recoins de ses créations typographiques, nous expliquant la mise au monde de chacun de ses caractères, le livre de David Rault nous fait plutôt prendre connaissance avec la vie et le caractère du personnage. L’ouvrage comporte principalement une biographie très détaillée de celui qui fut surnommé « le gentleman de la typographie », surnom dû semblerait-il autant à ses tenues et à sa mise toujours impeccables qu’à sa prestance plutôt aristocratique et à son abord parfois difficile, aux dire de certains qui l’ont connu de près. Le livre se poursuit sur un très beau portfolio de photos prises par Jean Dieuzaide au cours des nombreuses sessions lursiennes auxquelles Excoffon a participé, on y retrouve nombre de paléo-lursiens d’aujourd’hui alors encore jeunes et fringants, et il se termine sur une dizaine de témoignages à propos de l’homme et de ses travaux par ceux qui l’ont connu de près, tels José Mendoza, Massin ou Maximilien Vox. Ce livre fait de constantes références aux fameuses Rencontres de Lure, qu’il n’est nul besoin de vous présenter en cette colonne, une association dont Roger Excoffon a été le président durant de nombreuses années. Jean Dieuzaide, José Mendoza, Peter Knapp ou le très récemment disparu Yves Perrousseaux, ils sont nombreux les anciens « lursiens » à apporter leur pierre à l’édifice de ce livre, et on y retrouve bien souvent entre les lignes ce bel esprit de Lure qu’apprécient tant ceux qui se rendent chaque été aux sessions de fin août.
Certains trouvent les travaux d’Excoffon datés et donc obsolètes, sans doute parce qu’il ont été très utilisés dans les années soixante (je passai encore ce matin devant l’enseigne d’une boulangerie de cette époque en Chambord) et qu’ils en gardent une connotation de ces années. Pour ma part, je trouve qu’ils ont été suffisamment oubliés depuis longtemps pour pouvoir revenir discrètement dans notre univers graphique quotidien sans en occulter la modernité (j’ai observé pas plus tard que ce matin au supermarché des tenues de caissières marquées d’un slogan en Mistral).
Bref, un bel ouvrage très agréable à lire que vous pourrez avantageusement classer dans votre bibliothèque à côté de son congénère d’Ypsilon sans faire de doublon.
Yves Perrousseaux nous avait dit tout le plaisir qu'il avait eu à mettre en pages ce livre, qui est très beau, très savant, et passionnant !
Il tient parfaitement sa place dans la collection "Histoire de l'écriture typographique". Rémi Jimenes nous raconte l'histoire des caractères crées par Robert Granjon en 1557, imitation de l'écriture manuscrite dans la typographie. Un livre qu'il faut avoir dans sa bibliothèque.
Voilà un bouquin sympa qui a l'énorme avantage d'être disponible en papier. Ou, tout de suite, en PDF (…et donc lisible sur un Mac ou un iPad).
Que les choses soient claires, je ne suis pas un fan des typos de Roger Excoffon pour la bonne raison que je ne les connaissais pas en détail, pas réellement séduit par leur graphie, leur architecture. Mais le gros apport d'un tel bouquin est de faire tomber tous les a priori…
C'est en discutant avec Brice You qui est un fanatique intégral de ce typographe que j'ai commencé à jeter un oeil sur ces typos. C'est Brice à nouveau qui m'avait signalé le premier livre en PDF de David Rault, Guide pratique de choix typographique (voir cette chronique sur urbanbike) qui m'a permis de mieux cerner le personnage parmi tant d'autres créateurs.
Aujourd'hui, je ne suis pas encore passé à l'acte (utiliser du Excoffon dans mes propres missions) mais, à tout le moins, je le découvre plus encore et la sortie de ce livre, Roger Excoffon, Le gentleman de la typographie, vient agréablement compléter le peu que je savais sur ce personnage.
Ce bouquin a une singularité, celle de faire parler pas mal de personnes qui l'ont connu dont Yves Perrousseaux (qui vient juste de le rejoindre pour, je leur souhaite, continuer leurs longues discussions), Robert Massin et bien d'autres.
D'ailleurs, Jean-François Porchez écrit exactement, je le confesse, ma perception d'il y a encore quelques mois…!
À mes débuts, alors étudiant, durant la fin des années 1980, les Mistral, Banco et Choc étaient dans le panier des alphabets ringards qu’il ne fallait pas employer pour autre chose que de s’amuser à reproduire la vitrine provinciale d’une boucherie, d’un boulanger ou d’un coiffeur. C’était en tout cas le message des graphistes en vue de l’époque, des professeurs de graphisme, des journalistes, etc. Pour reprendre un discours léger, mais bien rodé dans le milieu des agences et des studios de l’époque : les alphabets d’Excoffon n’étaient pas modernes.
C'est tout l'intérêt du livre de David Rault, remettre dans son jus, son époque le travail de cet autodidacte, le restituer et nous le faire découvrir…
Bref, je ne vais pas en dire plus.
Si vous êtes graphiste, ce second opus de David Rault doit impérativement rejoindre son Guide pratique de choix typographique — que vous avez, rassurez-moi, à portée de clavier ou de main…!
Seul petit point auquel on s'habitue très vite, le livre est en anglais et français et il vous faudra parfois sauter une page pour poursuivre votre lecture…
La monographie que David Rault consacre à Roger Excoffon n’est pas un livre sur Roger Excoffon, c’est Roger Excoffon dans un livre.
Artiste lui-même pluridisciplinaire (graphiste, typographe, photographe, homme de cinéma), David Rault fait revivre sous nos yeux l’homme Roger Excoffon, dans ses élans, ses passions, dans la polyphonie de son immense talent.
Par le prisme de cet ouvrage grand format, accessible, précis et richement illustrée, nous découvrons le caractère Excoffon, son écriture, le parcours de cet auteur (typo)graphique, le chantier du Mistral, le premier nom de l’Antique Olive, un Calypso tout à fait fortuit ; l’Excoffon publicitaire, graphiste, visualiste dont les travaux & les commandes laissent apparaître ici de façon synoptique la vision d’une époque, un peu de notre histoire contemporaine, en France tout particulièrement, mais pas seulement.
La mise en page du livre se fait au fil des pages mise en scène avec, en point d’orgue, un superbe cahier consacré aux photographies que Jean Dieuzaide a fait de Roger Excoffon dans les années 1960.
L’Excoffon de David Rault est un livre que l’on peut lire vite, à la vitesse d’une Ferrari, image que feu Yves Perrousseaux associait cet ouvrage, s’amusant de l’audace de sa couverture rutilante.
Mais c’est aussi un travail que l’on peut relire avec patience, en gourmet des vignettes et des mots. Ceux de Maximilien Vox et Savignac en particulier sont de véritables morceaux de bravoure littéraires, qui dépassent de loin le génie spécialisé de la typographie et qui devraient puissamment contribuer à célébrer les nouvelles noces de la geste excoffonienne et de l’homme de la rue.
La monographie que David Rault consacre à Roger Excoffon n’est
pas un livre sur Roger Excoffon, c’est Roger Excoffon dans un
livre.
Artiste lui-même pluridisciplinaire (graphiste, typographe,
photographe, homme de cinéma), David Rault fait revivre sous nos
yeux l’homme Roger Excoffon, dans ses élans, ses passions, dans la
polyphonie de son immense talent.
Par le prisme de cet ouvrage grand format, accessible, précis et
richement illustrée, nous découvrons le caractère Excoffon, son
écriture, le parcours de cet auteur (typo)graphique, le chantier du
Mistral, le premier nom de l’Antique Olive, un Calypso tout à fait
fortuit ; l’Excoffon publicitaire, graphiste, visualiste dont les
travaux & les commandes laissent apparaître ici de façon
synoptique la vision d’une époque, un peu de notre histoire
contemporaine, en France tout particulièrement, mais pas
seulement.
La mise en page du livre se fait au fil des pages mise en scène
avec, en point d’orgue, un superbe cahier consacré aux
photographies que Jean Dieuzaide a fait de Roger Excoffon dans les
années 1960.
L’Excoffon de David Rault est un livre que l’on peut lire vite, à
la vitesse d’une Ferrari, image que feu Yves Perrousseaux associait
cet ouvrage, s’amusant de l’audace de sa couverture
rutilante.
Mais c’est aussi un travail que l’on peut relire avec patience, en
gourmet des vignettes et des mots. Ceux de Maximilien Vox et
Savignac en particulier sont de véritables morceaux de bravoure
littéraires, qui dépassent de loin le génie spécialisé de la
typographie et qui devraient puissamment contribuer à célébrer les
nouvelles noces de la geste excoffonienne et de l’homme de la
rue.
ves Perrousseaux est parti trop tôt en ces jours de mai 2011,
plein de projets d‘éditions en tête. C’est à la manière d’un
témoignage que j’essaye en ce dimanche soir de me souvenir de cet
amoureux fou de la typographie. Comment fallait-il aborder ce
devoir de mémoire? Jamais évident… Je me souviens avoir rencontré
Yves
Perrousseaux à la fin des années 80, lors de ces mémorables
rencontres annuelles d’août organisées par les Rencontres
internationales de Lure. Ce lieu était un doux mélange de grands
professionnels de la typographie, d‘érudits de toutes sortes, de
jeunes étudiants, d’amateurs éclairés en soif d’apprendre,
d‘échanger. En 1989 lors d’un de mes premiers passages, je
reconnaissais en la personne d’Yves l’un de ces amateurs, j‘étais
un des ces étudiants. Nous étions tout en bas de cette
montagne, face aux Blanchard,Mandel,Richaudeau,Ponot, et ravis
d’apprendre à leur contact.
Les années passaient et en 1995, il publiait son premier manuel
de typographie composé en Sabon. Cet ouvrage n‘était
pas destiné aux professionnels du graphisme, mais plutôt aux
utilisateurs non-professionnels des outils de PAO de l‘époque. Ce fut un réel succès. De nombreuses
rééditions ont suivies (neuf éditions?).
Yves, grand amateur de typographie latine, aimait essayer des
nouveaux caractères typographiques, promouvoir les jeunes
générations que nous étions en utilisant nos fontes. Yves
utilisait avec grand plaisir dans ses mises en pages de livres de
recettes, de guides, autour de la provence (ses clients locaux) nos
créations typographiques, dont celles de François Boltana,Thierry
Puyfoulhoux, et bien d’autres comme celles d‘Éric de Berranger,Xavier Dupré, etc.
qui étaient ravis de voir enfin utilisé de beaux caractères de
textes en édition. Yves apprenait, comme nous les jeunes, malgré
l‘écart générationnel.
Vers 1997, Yves, emporté par l’enthousiasme de Gérard Blanchard, publiait l’Aide au choix de la typographie du Chancelier
des Rencontres internationales de Lure. Une somme typographique,
fournie, complète, mis en page par Blanchard lui-même sur son PC,
et recomposé par Yves Perrousseaux, le tout, composé avec un des
packs de la totale typographie, Le Monde Livre1
et Le Monde Sans que j‘étais en train de finir pour ma fonderie. Avec
le recul, il semblerait que Gérard avait réussi nous faire passer
du statut d’amateurs à celui de passionnés de typographie en nous
associant à ses “saines folies” typographiques. Dans une interview publié en 2002, Yves Perrousseaux
nous dit d’ailleurs à ce sujet: Quant à en être l’un des
piliers, c’est beaucoup dire. C’est à Lurs que j’ai appris la plus
grande partie de mes connaissances professionnelles actuelles.
C’est à mon tour de transmettre ce que les aînés m’ont transmis,
c’est tout et c’est normal. Yves est pour ainsi dire un pur
produit de l’esprit de Lurs.
Yves — lors de nos discussions téléphoniques passionnées (nous
n‘étions pas toujours d’accord et c‘était mieux ainsi, une preuve
de nos engagements pour une passion commune) — me racontait ses
nouvelles aventures d‘éditeur d’ouvrages typographiques: rencontre
avec
Frutiger, publication des
livres de Mandel, etc. Sa maison d‘édition Atelier
Perrousseaux est devenu au fil des ans l‘éditeur francophone
qu’il manquait dans notre pays. Bien plus tard, lorsque j’ai appris
qu’Yves Perrousseaux avait trouvé son successeur en la personne de
David Rault vers 2009, c‘était une excellence nouvelle pour la
continuité de son œuvre. Cette décision prend d’un seul coup
tout son sens dans ces derniers jours de mai
2011. Yves Perrousseaux restera un des acteurs majeurs de la
tradition
typographique lursienne.
Les éditions Atelier Perrousseaux, qui nous ont déjà gratifiés
de deux superbes volumes d’une Histoire Typographique qui est
devenu un ouvrage de référence incontournable sur le sujet,
viennent de faire paraître un nouvel ouvrage sur un sujet fort peu
traité par les historiens de la typographie, j’ai nommé la « lettre
française d'art de main » ou « lettre façon d'écriture », plus
connue sous le nom de « lettre de civilité ». À la frontière de la
typographie et de la calligraphie, ces lettres sont calquées sur
une des cursives de l’époque et servaient à imprimer notamment des
manuels éducatifs. On les composait dans ce caractère bien
particulier en se disant qu’il était plus facilement lisible à
l’âge où l’on apprend à lire et à écrire justement cette cursive
scolaire. En dehors de l’ardu problème typographique qui consiste à
rendre par des rectangles de plomb toutes les subtilités d’une
cursive avec ligatures, trait continu et caetera, ces lettres sont
très esthétiques et loin, dans leurs formes, des caractères romains
et italiques auxquels une typographie plus classique nous a
habitués et plus proches d'une cursive gothique que nous étudierons
bientôt chez Graphos.
Découvrez donc dans cet ouvrage les liens qui ont perduré
tardivement entre typographie et calligraphie, les influences
réciproques (si, si) entre ces deux modes de production du texte
écrit, cela vous donnera bien des idées et des modèles desquels
vous inspirer pour calligraphier ce caractère un peu oublié du
corpus calligraphique habituel. Les nombreuses illustrations sont
accompagnées d’un texte remarquable de Rémi Jimenes qui met
parfaitement en valeur à la fois la naissance, l'évolution et
l’utilisation typographique de ce caractère mais aussi les
influences de et sur la calligraphie de cette cursive, bien loin
des modes d'inspirations qu’y puiseront plus tard Hermann Zapf ou
Alan Blackman.
Bref, pour une fois un ouvrage qui met en lumière les nombreuses
interrelations entre typographie et calligraphie et une bien belle
source d’inspiration pour nous autres scribes.
>[Sylvie Litté]
Il est bien trop rare que les éditeurs modernes –entendons, les
éditeurs d’aujourd'hui– accordent suffisamment d’importance à la
«mise en livre» des manuscrits qui leur sont confiés. Pourtant, les
travaux d’histoire du livre montrent bien non seulement que le
texte ne saurait exister seul, mais que le livre en tant qu’objet
apporte au lecteur, par les dispositifs matériels qu’il met en
œuvre, bien autre chose que le seul texte. «Mettre en livre» avec
compétence et élégance un livre qui traite précisément d’un aspect
de la «mise en livre», à savoir l’histoire du caractère
typographiques, est tout particulièrement bien venu.
On ne peut par conséquent qu’être reconnaissant à l’éditeur Atelier
Perrousseaux de l’ouvrage que Rémi Jimenes a consacré aux
Caractères de civilité d’avoir réussi à nous offrir un livre dont
l’élégance formelle se combine avec un contenu textuel de qualité.
L’étude de la typographie et des caractères reste trop peu
développée en France, et encore mal intégrée aux travaux d’histoire
générale du livre –une exception remarquable étant bien évidemment
celle du Musée de l’imprimerie dirigé par Alan Marshall à Lyon.
L’exposition d’Écouen sur Geoffroy Tory et son Champfleury
constitue aussi, en ce moment même, une excellente occasion
d’approcher ce domaine.
Rémi Jimenes, doctorant au CESR de Tours, définit les caractères de
civilité, alias lettre française d’art de main, comme « une
typographie gothique reproduisant l’écriture cursive qu’employaient
les hommes de plume français au milieu du XVIe siècle » (p. 10).
Histoire et civilisation du livre donnera de cet élégant volume un
compte rendu circonstancié, mais le sommaire que nous publions
ci-dessous donne une bonne image d’un contenu présenté à la manière
d’une pièce de théâtre classique.
La sortie du beau livre de Rémi Jimenes sur les caractères de
civilité était attendue avec impatience par de nombreux
bibliophiles. Il vient heureusement compléter la série d’ouvrages
d’Yves Perrousseaux sur l’histoire de la typographie.
La tâche était ambitieuse, aucun ouvrage en langue française de
cette ampleur n’avait encore couvert le sujet, un comble pour un
art typiquement français !
Sa lecture est un vrai plaisir ; on y apprend des tas de choses
sur les « lettres françaises d’art de main », des origines à ses
développements successifs (je dirais même ses mutations) jusqu’au
XIXe siècle. On savait le style de ces caractères dérivé des
écritures de chancellerie. Une nostalgie de copiste, pourriez-vous
penser, que nenni ! Il s’agissait, au contraire, d’une volonté
délibérée des humanistes de la Renaissance de « faire moderne » et
d’affirmer la grâce et le caractère (c’est le cas de le dire !) des
lettres françaises sur les italiennes.
Si Geoffroy Tory, le précurseur, défend la langue française, qui
n’a rien à envier en beauté à la latine, c’est pourtant aux
caractères romains qu’il s’attache à fixer les justes proportions.
Il avait bien envisagé de traiter en parallèle des lettres
françaises: « Si j’eusse pu trouver mention par écrit de nos
susdites lettres de forme et bâtardes … je les eusse mis en ordre
selon leur due proportion ». Et oui, seulement, il ne risquait pas
d’en trouver en 1529, le bougre, puisque c’est Robert Granjon, en
1557, qui, le premier, publia un ouvrage en cursive gothique !
A l’origine de toute typographie il y a une écriture manuscrite
que le graveur prend pour modèle, le style italique de Griffo des
éditions aldines cherchait aussi à se rapprocher de l’art
inimitable de la main. Mais les caractères de civilité se
rapprochent plus fidèlement encore de la souplesse des lettres
cursives ; à l’origine, ce sont des variantes de la gothique
bâtarde (ce qui est plutôt paradoxale car l’écriture gothique
n’était plus à la mode depuis quelques décennies, au point que
Pétrarque écrivait déjà qu’elle avait été inventée pour autre chose
que pour être lue !). Ensuite, il faut un modèle, les Maitres
d’écriture royaux sont de bons candidats ; Pierre Habert,
calligraphe et valet de chambre du Roi, a pu inspirer Granjon,
tandis que Pierre Hamon, calligraphe réputé, a inspiré Philippe
Danfrie.
Il faut avoir l’œil exercé pour distinguer tel type à tel autre,
mais comme les autres ouvrages de la série, celui-ci est très
pédagogique et il vous donne l’inventaire des différents types,
comme ceux de Granjon, par exemple : les capitales, les bas de
casse, les ligatures, les finales. Voilà l’art de main décodé
!
Cette nouvelle typographie sera contrefaite malgré le privilège
dont bénéficie Granjon pour 10 ans, et se diffusera rapidement, en
France mais aussi à l’étranger, notamment dans les pays du Nord.
Pourtant, le caractère de civilité ne parviendra jamais à
supplanter les lettres romaines. Il est d’un usage plus difficile
pour l’imprimeur, et le crénage des types les rend fragiles à la
presse.
Ce que le livre de Rémi Jimenes montre bien c’est la fortune en
dent de scie de cette typographie. A la mode de 1560 à 1620, elle
disparait presque complètement au XVIIe siècle, pour revenir en
force au début du XVIIIe siècle. Seule exception confirmant la
règle, le météore Pierre Moreau, qui invente une nouvelle
typographie tirée des arts de la main, selon une démarche proche de
celle de Robert Granjon. Mais il appartient à la corporation des
Maitres-écrivains et non à celle des imprimeurs et son expérience
sera vite brisée par ces derniers.
Le gothique cursif s’offre donc un come back tonitruant dans les
années 1730 grâce à Jean Baptiste de la Salle, le fondateur des
Ecoles Chrétiennes, qui publie en 1703 Les Règles de la Bienséance
et de la Civilité Chrétienne. Cette fois le pli est pris, il
deviendra difficile ensuite de publier un livre de civilité qui ne
soit pas composé avec ces caractères, sauf bien plus tard, lorsque
les éditeurs ne verront plus de motifs à suivre un style que plus
personne n’utilise et ne lit facilement. C’est l’âge d’or de la
civilité, plus de 200 ouvrages ont été comptabilisés entre 1703 et
1863 !
Les lettres sages et bien alignées de Granjon et de ses suiveurs
étaient principalement réservées aux textes officiels, aux
ordonnances, privilèges et autres épitres dédicatoires, mais le
Gothic Revival de la période suivante touchera surtout les éditions
populaires et la production de colportage : mauvais papier, souvent
manipulés par les enfants, reliures modestes (si on excepte le
maroquin bleu de Duru pour l’exemplaire du Baron Pichon des Règles
de la Bienséance !). Ces manuels faisaient coup double, celui
d’enseigner les règles de savoir-vivre en même temps que l’écriture
manuscrite. L’ouvrage montre bien les cousinages entre la
typographie de civilité et les manuels de calligraphie destinés à
enseigner l’art de bien former les lettres, la ronde et la
bâtarde.
On regrette juste que cette partie consacrée aux productions
proprement calligraphiques des Maitres-écrivains, les Louis
Senault, les Honoré-Sébastien Roillet, etc, ne soit pas plus
développée. Sans doute par ce que leurs ouvrages étaient plus
souvent gravés que typographiés.
A la fin de l’ouvrage un appendice donne un inventaire utile des
principales éditions de livres scolaires rédigés avec des
caractères de civilité, depuis les Règles de la Bienséance de JB de
la Salle, pour qui voudrait commencer une collection de ces
impressions pittoresques.
Impossible de traiter sur une seule page, fut-elle internet, de
toute la richesse du livre de Rémi Jimenes, Le mieux reste de le
lire. Bon, je vous laisse, et j’y retourne…
Pour retrouver l'article du fameux site Blbliophilie :
http://bibliophilie.blogspot.com/2011/04/un-nouvel-ouvrage-de-reference-les.html
Amis Bibliophiles bonjour,
C'est un réel plaisir de vous présenter l'ouvrage fraîchement
paru de l'un des premiers lecteurs du blog, Rémi Jimenes. Son
ouvrage Les Caractères de civilité, Typographie et
calligraphie sous L'Ancien Régime, vient effectivement de
paraître à éditions Atelier Perrousseaux Editeur (29,50€), et il
est superbe.
J'ai déjà eu l'occasion de le
feuilleter pendant toute une soirée et j'attends avec impatience
d'avoir un peu de temps pour me plonger dans ce qui me semble déjà
être un nouvel ouvrage de référence sur le sujet. Mais pour vous
donner une première impression, c'est vraiment très très
intéressant même pour le non spécialiste que je suis. C'est très
bien écrit, et on se laisse porter par l'histoire dans l'Histoire.
J'aime beaucoup.
Rémi étant un fidèle du blog, il
a accepté de se prêter au petit jeu de l'entretien pour les
lecteurs du blog, afin de nous en dire plus sur lui, ses recherches
et son ouvrage.
Rémi, quel a été ton parcours
jusqu'à la parution de l'ouvrage?
Après deux
années de khâgne à Orléans et une licence d'histoire, je me suis
orienté vers un master en histoire du livre à Tours, au Centre
d’études supérieures de la Renaissance. J’y ai consacré mon mémoire
à la carrière de Charlotte Guillard, veuve des imprimeurs Berthold
Rembolt et Claude Chevallon. Je poursuis aujourd’hui cette
recherche en doctorat. Parallèlement je collabore au projet de
numérisation des Bibliothèques Virtuelles Humanistes.
Comment
l'idée de cet ouvrage a-t-elle germé?
À la fin de
l’année 2009, j'ai été mis en contact avec Yves Perrousseaux, qui
recherchait des photographies pour illustrer son Histoire de
l'écriture typographique. Comme je m'intéressais à l’histoire
de la calligraphie, il m'a demandé quelques renseignements sur le
sujet, avant de me proposer la rédaction d'un livre consacré aux
rapports entre typographie et calligraphie. Ce vaste sujet
dépassait de loin mes modestes compétences. Cependant, depuis
plusieurs années je rassemblais de la documentation sur les
caractères de civilité. J’ai donc proposé à Yves d’aborder les
rapports entre typographie et calligraphie à travers l’histoire de
la lettre de civilité.
Mais
que sont les caractères de civilité ?
Gravés par
Robert Granjon en 1557, les caractères de civilité imitent la
gothique cursive des secrétaires français de la
Renaissance.
Cette
typographie est surtout connue pour l’utilisation qu’en ont faite
les imprimeurs aux XVIIIe et XIXe
siècles : le caractère ne servait plus alors qu’à imprimer des
manuels de savoir-vivre et de bienséance, qui ont donné leur nom à
cette typographie. Mon livre rejoint ceux d'Yves Perrousseaux
dans la collection « Histoire de l'écriture
typographique ». Cette collection, bien connue des amateurs
comme des professionnels, rassemble des ouvrages de référence
copieusement illustrés. Les derniers volumes sont tous imprimés en
quadrichromie.
L'ouvrage
est en effet magnifique, qu'apporte-t-il à l'histoire des
caractères de civilité?
Plusieurs
auteurs s'étaient auparavant intéressés à l’histoire des caractères
de civilité. En 1966, Harry Carter et Hendrik Vervliet ont publié
en anglais un livre entièrement consacré au sujet. Leur livre, qui
recense les polices gravées à la Renaissance et étudie leurs
origines, demeure une référence incontournable. Il n'était bien sûr
pas question pour moi de « refaire » le Carter-Vervliet,
mais d’adopter une approche différente du sujet : d'une part,
en ne m'intéressant pas exclusivement au graphisme des caractères
mais à leur utilisation par les imprimeurs (pour quels textes?) et
à leur réception par le public (avaient-il du succès?) ; et
d'autre part, en élargissant le cadre chronologique de cette
enquête.
On connaît
bien l’histoire de l’invention de cette typographie, mais on
n’avait pas encore regardé précisément ce qu'elle devenait aux
XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cet élargissement du cadre
chronologique m’a permit de montrer que les caractères de civilité
disparaissent totalement des presses françaises dans la seconde
moitié du XVIIe siècle, pour ne réapparaître qu'en 1703 avec la
publication des Règles de la Bienséance et de la Civilité
chrétienne de Jean-Baptiste de La Salle.
Il m’a alors
paru intéressant d'interroger les causes de cette disparition et
les raisons de la «résurrection» de cette typographie en 1703.
Malgré leur apparent archaïsme, les caractères de civilité étaient
employés pour des motifs pédagogiques clairement définis.
Un autre
volet important de mon travail est sans doute la mise en relation
de la typographie avec l’histoire de la calligraphie. La variation
des modes calligraphiques en France du XVIe au XIXe siècle, le
passage de l'écriture gothique à la ronde, puis de la ronde à la
coulée et enfin à l'anglaise, a naturellement affecté l'utilisation
des caractères de civilité qui servaient non seulement pour
l’apprentissage de la lecture, mais également pour l’apprentissage
de la calligraphie. J’ai ainsi volontairement profité de l’occasion
pour donner quelques précisions sur l’histoire, finalement mal
connue, de la calligraphie française sous l’Ancien Régime.
Je présente
également quelques modèles d’écriture tirés non pas des grands
manuels d’Alais de Beaulieu, Saintomer ou Royllet, ces rolls-royce
de la calligraphie, mais tirés de petites brochures rares et peu
connues, celles qu’avaient précisément dans les mains les enfants
des classes populaires.
(...)
Aricle dans la revue Plume Mars-Mai 2011
Artcile de "La Marseillaise"
L'historien de la typographie
Le Pays de Forcalquier-Montagne de
Lure est ancré dans l'histoire de la typographie. Le
village de Lurs y accueille «Les Rencontres
Internationales de Lure», créées en 1952 par
MaximilienVox et, plus récemment, la
Communauté de Communes a été labellisée «Pays du Livre
et de l'écriture», dans le but de fédérer les professionnels du
livre et de leur donner les moyens d'exercer leur activité. Après
avoir habité Forcalquier, YvesPerrousseaux est maintenant installé à
Reillanne: «Actuellement à la retraite, j'occupe mon
temps, avec un plaisir certain,à réaliser une Histoire de
l'écriture typographique, en plusieurs tomes, de
Gutenberg ou 20' siècle». Le Bas-Alpin explique
qu'«une telle démarche n'avait pas été réalisée depuis les travaux
de FrancisThibaudeau au début des années
1920. Je veux transmettre, d'une façon didactique, ce patrimoine
culturel mal connu, en France du moins,qui a fixé à travers les
époques,les modes et l'évolution des techniques, la pensée de
l'homme dans le livre et d'une façon plus générale dans l'imprimé».
L'ensemble de cette Histoire de l'écriture typographique,
en plusieurs volumes,est conçu pour proposer une vision générale et
complète du sujet. C'est en quelque sorte une véritable
encyclopédie de la typographie,et c'est une première dans le
monde.«De gros problèmes de santé m'ont fait perdre plus de deux
ans,continue YvesPerrousseaux. Mais que les lecteurs
se rassurent : le troisième volume vient de paraître, le quatrième
est en préparation,il sera consacré au 19e
siècle...»
L'atelier Perrousseaux l'éditeur vient de s'offrir
une cure de jouvence et arbore, désormais un nouveau
logo, remis à jour de la première livrée créée
par YvesPerrousseaux à la fin des années
1960,dans le que l'on retrouve toujours le hibou,vénérable emblème
de la maison. Ce changement n'est pas uniquement cosmétique,
puisqu'il préfigure la nouvelle ligne éditoriale de
Perrousseaux pour 2011. En effet,outre les ouvrages de
typographie et de graphisme qui continuent d'être le
cœur de la collection, l'année qui vient verra arriver
également deux nouvelles sous-catégories au sein du catalogue:
Bandes dessinées et Internet. La collection Bandes
dessinées présentera des ouvrages d'analyse et de réflexion autour
du 9"art, point de convergence logique des thèmes chers à l'atelier
Perrousseaux (l'image et le langage) ; les deux
premiers titres,Entre l'élite et la plèbe de
Jean-NoelLafargue et L'espace blanc
entre les cases de StéphaneDeschamps, sortiront en fin d'année 2011. L'autre
nouveauté, la collection Internet, aura pour but
d'éditer des ouvrages de typographie adaptés et destinés aux
développeursWeb, répondant clairement à
des problématique en perpétuelle évolution. Les deux premiers
titres, qui traiteront de la Lisibilité de la typographie sur
Internet et des Grilles & de la
macro-typographie de la page Web,
signés respectivement par AurélienFoutoyet et Anne-SophieFradier, seront publiés à la fin 2011.
Article dans Tm rsi stm 2010-06
«L'écriture chinoise» _ Tel est le titre du septième
cahier de la collection KitabTabulae,
publiée sous la férule de StéphaneIpert,
directeur du Centre de conservation du livre d'Arles,
coédité par l'Atelier Perrousseaux. Il
s'agit de la traduction française d'un ouvrage rédigé en
anglais par OliverMoore.
S'il semble peu probable que l'écriture soit apparue en Chine à
l'époque néolithique (vers 6000'1700 av.
J.C.), on estime, en revanche, que la véritable
écriture chinoise émerge dans l'Etat Shang en 1200 av.
J. oc. Ce livre présente en conséquence un des plus anciens
systèmes d'écriture au monde. Il rassemble, de façon intéressante,
les principes de base du langage et ceux de la formation et de
l'évolution des caractères chinois. A partir de
nombreux exemples révélés par l'archéologie et le témoignage de
documents conservés dans les musées, l'auteur décrit
chronologiquement les principales écritures chinoises, toujours en
usage.
Enseignant actuellement l'art et la culture de la Chine à
l'Institut de sinologie de l'Université de Leyde,
OliverMoore a précédemment
œuvré au Département of Oriental
Antiquities du BritishMuseum. C'est un spécialiste de l'écriture, de
l'épigraphie et des objets en bronze chinois.
(...)
Aborder, par cette pertinente édition de base, le système
d'écriture propre à l'immense étendue géographique que représente
la Chine, cela invite à la réflexion, voire incite à
l'approfondissement.