Ladislas Mandel
Ladislas Mandel est né en 1921 en Transylvanie. Adolescent, il arrive en France, étudie à l'école des Beaux-Arts de Rouen, suit les cours de l'Académie Ranson à Paris. Après la guerre, il pratique la sculpture et la peinture. Il apprend le métier de tailleur de pierres, obtient son CAP et travaille un temps dans la restauration de monuments historiques. Il souhaite apprendre la gravure en atelier et, en 1954, il entre à l'atelier de gravure en relief de la fonderie typographique Deberny & Peignot. C'est là que tout commence. Il y rencontre Adrian Frutiger (dont il devient l'assistant) qui lui communiquera la passion du dessin de la lettre.
En 1963, il prend la relève de Frutiger à la direction artistique et direction de l'atelier, et commence à réaliser ses propres créations : « Antique Presse » pour le plomb, et « Cancellaresca » (un caractère dessiné d'après Arrighi, une écriture XVIe siècle qui fut l'occasion de démontrer les nouvelles possibilités de crénage [imbrication un à un des caractères] que permettait la photocomposition), « Sofia » et « Aurélia » pour la photocomposition. Pendant 23 ans, de 1954 à 1977 (avant de travailler pour son propre compte), Ladislas Mandel a créé une trentaine de polices pour les catalogues Lumitype-IPC, dont des caractères cyrilliques, hébreux, arabes et grecs.
Il se passionne pour les phénomènes de lisibilité des petits corps qu'il développe dans des conditions extrêmes pour les annuaires téléphoniques dont il est devenu le spécialiste. Il analyse comment le lecteur appréhende une page typographiée, lit les mots et décrypte l'information à travers ses filtres culturels. Il développe une véritable science de la lisibilité des caractères typographiques par l'expérimentation sur de très petits corps, jusqu'au corps 3 pour les mini-annuaires, soit 1,05 mm. C'est ainsi que sont nés le caractère « Galfra » d'abord pour les annuaires téléphoniques italiens, puis une adaptation pour les annuaires belges, puis une autre pour le Royaume-Uni, une autre pour les USA, car il adapte le dessin de ses créations à chaque culture concernée. Puis « Clottes » pour la France, « Lusitania » pour le Portugal, « Nordica » pour l'Allemagne et la Belgique, « Colorado » pour les USA. Ladislas Mandel est encore l'inventeur de la prédigitalisation, c'est-à-dire la déformation volontaire du dessin des lettres qui anticipe la déformation due à la pixellisation numérique, ce qui permet de rétablir ainsi, en final, le dessin désiré. Humaniste de grande culture et érudit de l'histoire des écritures, il a collectionné durant sa vie un éventail de documents témoins des écritures à travers les millénaires et les civilisations qui montrent bien l'évolution des différentes étapes de l'histoire des écritures et de la typographie.
Ladislas Mandel est encore un grand défenseur de la culture française. Son caractère « Messidor » (1983) est un exemple de « typographie contemporaine de tradition française ». Et pour occuper sagement sa retraite, il vient (1999) de dessiner « Solinus » (inspiré d'une calligraphie livresque humanistique) et « Laura » (inspiré des premiers caractères plomb humanistiques, famille des Humanes).