L’importance de la part technique dans la course à pied
Se mettre à courir est chose aisée, mais courir efficacement est nettement plus complexe et plus subtile qu’il n’y parait. A courir après le temps, l’attention focalisée sur le chronomètre, on en oublie que le résultat est la conséquence de la gestuelle mise en œuvre et qu’il ne suffit pas de mettre un pied devant l’autre pour être efficace. Illusionné probablement par le fait que le corps nous permet de courir presque n’importe comment. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer la multitude de foulées et de postures de course que peuvent adopter les coureurs lors d’un marathon. Pourtant, lors de tels évènements, nous sommes à même de différencier d’un simple coup d’œil le coureur efficace, survolant l’asphalte, du coureur lourd donnant l’impression de s’enfoncer dans le sol à chaque foulée. La qualité de la gestuelle et la capacité à la reproduire du début à la fin de l’épreuve font ici toute la différence.
Quels sont alors les critères d’une course efficace ? Si on parcourt les magazines de running et en forçant un peu le trait, mais pas tant que cela, cela se résumerait à développer le moteur. La grande majorité de ces magazines proposent pour cela des plans d’entrainement pour courir un marathon en 4h, en 3h30, ou en 2h50… Une fois que vous avez sélectionné un temps, il ne vous reste plus qu’à choisir le nombre de semaines que vous souhaitez y consacrer : 10, 12, 14 ou 16 semaines selon vos disponibilités, à raison de 3 à 5 séances par semaine. Des séances qui se composent de footing lent ou d’allure soutenue, de fractionné, de vitesse,… qui vous permettent d’augmenter la capacité de votre ‘’moteur’’, votre VMA, votre endurance, votre vitesse… afin de courir plus vite et plus longtemps. A cela s’ajoute les conseils diététiques pour nourrir ce moteur, mais à aucun moment ne sont évoqués les aspects techniques de la course à pied. Au regard de cela nous pourrions alors nous demander s’il est utile de travailler le geste ? Le programme One More Step de Scholl a justement souhaité mettre l’accent sur l’aspect technique de la course à pied dans un souci de sport/santé
Lors d’un marathon le coureur réalise entre 26 000 et 40 000 foulées selon l’allure et la fréquence d’appui. A chaque foulée le pied est soumis à la force de réaction au sol qui représente en moyenne 2,5 fois le poids du corps pour une allure proche de 10km/h. Quelque soit la technique de prise d’appui employée, nous devons amortir cette force de réaction au sol, sans quoi elle se transforme rapidement en un impact traumatisant. La qualité de la gestuelle, son aspect technique sont alors essentiels pour gérer efficacement cette contrainte. Les différents exercices qui suivent vous donneront les moyens d’en percevoir certaines subtilités. Courir s’apprend et nécessite donc un apprentissage!
La technique de prise d’appui
Debout, de préférence pieds nus, bondissez sur place en vous réceptionnant par les talons puis par l’avant-pied et jaugez de la qualité de l’amortissement c’est-à-dire de votre capacité à gérer selon la technique de prise d’appui, talon ou avant-pied, la force de réaction au sol. Dans le premier cas cela se traduit par un impact douloureux, dans le second cas, l’amortissement est plus efficace vous permettant de prendre appui en douceur. Retenez qu’à hauteur de bond équivalent la force de réaction au sol est identique. Cependant, selon la technique de prise d’appui que vous employez, la force de réaction au sol peut devenir rapidement traumatisante pour le corps ne pouvant être gérée efficacement. Suite à ce premier test nous pouvons conclure que l’efficacité et la capacité de gestion de la force de réaction au sol sont directement liées à la technique de prise d’appui employée. S’il existe une telle différence entre ces deux techniques de prise d’appui c’est tout simplement parce que la seconde met en jeu l’articulation de la cheville et le mollet, tandis que la première les occulte. Rappelons que le mollet est un muscle puissant, volumineux et élastique.
La cadence de la foulée
Continuer à bondir sur place en employant uniquement une prise d’appui avant-pied. Augmentez progressivement la fréquence de vos bonds (cadence) en passant de 100 ppm (pas par minute) à 180 ppm avant de revenir à une fréquence de 100 ppm. Pour gérer la fréquence de bondissement utilisez un métronome http://www.metronomeonline.com/ . Calez-le sur une fréquence de 100 puis de 180 pour prendre le rythme et savoir vers quoi il vous faut tendre lors de cet exercice. Effectuez le test durant 1 à 2 minutes et relevez l’effort qu’il vous est nécessaire de produire selon la fréquence à laquelle vous bondissez. Vous devriez remarquer que l’effort à produire diminue avec l’augmentation de la fréquence d’appui car on se sert davantage de l’élasticité du système musculo-squelettique pour entretenir le mouvement. A l’inverse, à faible fréquence, il est nécessaire de relancer le mouvement après chaque prise d’appui augmentant le coût énergétique, un peu comme si vous couriez dans du sable. Le nombre de pas par minute est un aspect technique très souvent ignoré.
Des deux techniques de prise d’appui, la prise d’appui avant-pied permet de mettre en œuvre une meilleure gestion de la force de réaction au sol qui, associée à un ajustement de la fréquence d’appui, diminue la dépense énergétique en augmentant le rendement. Précisons que le fait de courir avant-pied ne signifie pas courir sur la pointe des pieds. La prise d’appui s’effectue au niveau de ce que l’on appelle l’arche antérieure qui se situe à la base des orteils (fig.1).
Le déroulement du pied
Poursuivons l’exploration de la prise d’appui avant-pied. Dans un premier temps, bondissez sur place en maintenant les talons haut puis, dans un second temps, laissez-les descendre jusqu’à ce qu’ils viennent effleurer le sol. Dans le premier cas, les tensions qui s’exercent dans les mollets sont élevées alors qu’elles diminuent fortement dès que vous laissez descendre les talons. La gestion de la descente du talon lors d’une prise d’appui avant-pied est un aspect technique parmi d’autres qui s’apprend et permet de solliciter différemment le système musculo-squelettique. La gestion de la tension au sein du système tendineux est fonction du déroulé du pied.
Technique de course
Maintenant que vous avez perçu ces différents éléments, poursuivez le test, toujours pieds nus, en courant très lentement à 3km/h. Attaquez dans un premier temps par le talon puis, dans un second temps, par l’avant-pied avec une cadence oscillant entre 160 et 180 ppm. Comme précédemment, déterminez laquelle des deux techniques assure un maximum d’amortissement, de dynamisme et un moindre effort pour un même rendu. Alternez plusieurs fois l’une et l’autre technique de prise d’appui et faites-vous une opinion.
Lors du prochain marathon auquel vous assisterez, filmez à l’aide de vos Smartphones en mode slow motion des coureurs professionnels et des coureurs amateurs puis comparez leur gestuelle. Par ailleurs, la course à pied étant un geste technique répétitif par excellence, le coureur qui veut performer se doit de reproduire une gestuelle efficace du début à la fin de l’épreuve car si elle se dégrade, la dépense énergétique augmente.
Au-delà du cardio et du chronomètre
Combien de coureurs passent du temps à travailler réellement leur technique, leur gestuelle, leur posture de course ? Nous n’avons évoqué ici que quelques aspects de la prise d’appui et nous pourrions prolonger cette réflexion en parlant du balancement des bras, du pivotement ou non du buste, de l’inclinaison du corps,… Autant d’éléments qui influencent directement l’efficacité du geste, autant d’éléments techniques qui ne sont pas pris en compte et requièrent un apprentissage. Cela n’enlève rien au charme de la course, bien au contraire ; si l’on prend conscience de ces éléments en plus de l’efficacité, c'est-à-dire d’une amélioration du rendement, la course devient un jeu où l’on agit et interagit davantage avec son corps pour plus de plaisir.