Jean-Paul Dumontier
Le Bulletin (Syndicat des journalistes de la presse périodiques)
Ce livre est beau et comme l'a dit Krishnamurti, philosophe indien: Apprécier la beauté est un élément essentiel de notre existence. C'est sa beauté intérieure qui donne une grâce, une douceur exquise à sa forme. Pierre Duplan a fait une fois de plus un exercice de typographie et de mise en page qui donne la parole aux images de Jean-Paul Dumontier et ils nous font tous les deux apprécier la beauté de l'œuvre d'Amaut de Moles, ce maître verrier du XVIe siècle qui en colorant la lumière savait créer à l'intérieur de la cathédrale une atmosphère mystique invitant à la méditation.
Pierre Duplan a passé son enfance à Auch et la cathédrale était pour lui un terrain de découvertes et de jeux. Après les Beaux-Arts à Toulouse, l'École des arts appliqués à Paris et l'ENSET (aujourd'hui École normale supérieure de Cachan), il aborde une longue carrière d'enseignant. Tout naturellement, il présenta à la fin de son cursus un mémoire d'histoire de l'art sur les vitraux de la cathédrale. La collaboration pour cet ouvrage avec Jean-Paul Dumontier était naturelle: ce dernier est LE photographe spécialiste de l'art sacré en France et il avait déjà photographié tous les vitraux de la cathédrale. Amis de longue date, ils avaient la même conception de l'ouvrage: en aborder les côtés historiques, bibliques et esthétiques. « En 1507, le cardinal François II de Clermont Lodève avait développé avec ce projet, contemporain des fresques de la chapelle Sixtine au Vatican, une pensée interreligieuse avant la lettre, rassemblant les païens, les Juifs et les chrétiens » suggère Pierre Duplan. Jean-Paul Dumontier avait à cœur de mettre en valeur l'importance de l'art du portrait, « il faut remarquer la grande expressivité des visages dessinés avec une virtuosité gestuelle mise au service d'une ré-flexion préalable» dit-il. L'ouvrage propose une lecture aussi complète que possible des verrières d'Amaut de Moles, à travers des plans, des photos souvent en gros plan, une explication des techniques et des couleurs utilisées. On visite les chapelles les unes après les autres, avec à chaque pas les explications nécessaires à la compréhension des personnages et des scènes, tant sur le plan des thèmes bibliques que sur celui de la réalisation artistique. À la rencontre des sibylles L'adjectif sibyllin ne fait plus mystère, si j'ose dire, mais qui se rappelle son origine ?Voici l'occasion de faire la connaissance de neuf sybilles, femmes de caractère bien séduisantes pour la plupart en même temps que prophétesses exaltées. Pierre Duplan : « Il n'y a plus aujourd'hui de vie religieuse très forte: les gens visitent les églises sans savoir ce que représentent les personnages. Il fallait absolument montrer que la chapelle Sixtine et les verrières d'Auch avaient le même programme iconographique: la rencontre des patriarches, sibylles, prophètes et/ou apôtres, idée qui avait été proposée par Filippo Barbieri en 1480 dans un Traité qui proposait une description systématique de douze sibylles. Le cardinal de Clermont Lodève, alors ambassadeur de France à Rome, eut connaissance de ce livre et s'en inspira. 1) Un ensemble voulu et défini dans les moindres détails Le visiteur et le lecteur partent à la rencontre des personnages, bibliques et réels, et vont tout savoir d'eux ou presque. La « fabrique» (l'ensemble des notables concernés par le projet) définit les personnages par leurs attributs, le cardinal est représenté deux fois, le maître verrier aussi; les couleurs donnent des clés, par exemple jaune pour Judas et pour les Juifs, verte pour ceux qui guérissent la lèpre ; les tissus sont soigneusement choisis, damas blanc pour la Vierge, velours, soie, fourrure; les vêtements sont fidèles à ceux de l'époque; la place et la gestuelle de chacun précises. La beauté des verrières, tant dans leur dessin que dans les couleurs, est éclatante. Le vitrail, élément spirituel, évoque la lumière divine, il est fait pour être vu en transparence, à des heures et des saisons différentes. Traditionnelle-ment, le parcours commence au nord, avec des tons froids de verts et de bleus, et se termine au sud avec des tons chauds, jaune, orange, rouge. La crucifixion se trouve toujours à l'est : le Christ tourne le dos à Jérusalem et fait face au monde qui reste à convertir. Dans chaque verrière, il y a trois récits distincts: en haut l'ogive, puis la grande scène « historique» du milieu et enfin le soubassement, où l'on va d'ailleurs voir apparaître les débuts de la perspective et des lignes de fuite. La fabrication Viollet-le-Duc passé par là a fait l'inventaire des couleurs et des pigments utilisés. Le verre est peint et émaillé des deux côtés; il est découpé à l'acide. À peine 6 ans pour la réalisation de l'ensemble, terminé avant 1 même que la cathédrale ait reçu sa toiture. Par un mi-racle rare, l'œuvre a traversé les siècles et les révolutions sans presque aucun dommage ... À vitraux exceptionnels, livre remarquable À peine 18 mois pour réaliser ce livre, ce qui est une gageure quand on en analyse les qualités. On tire son chapeau à Jean-Paul Dumontier pour son travail de photographe.
Les photos ont été prises (sur plu-sieurs mois) en lumière naturelle; je vous laisse imaginer les temps de pose ! Les verrières sont per-chées en hauteur, il faut en corri-ger la perspective; quelquefois 3 ou 4 clichés sont superposés pour équilibrer les rapports de cou-leurs; un énorme travail de net-toyage sur photoshop a éliminé les toiles d'araignée, la poussière, les scories. Travail de bénédictin pour une beauté absolue. Pierre Duplan et Jean-Paul oumon-tier ont choisi le format -presque carré-, tous les éléments de ma-quette et de typographie, les plans, la mise en page des photos et du texte etc. Les amateurs de beaux livres seront admiratifs des choix qui ont été faits et du soin qui a pré-sidé à chaque étape. Par exemple les caractères jaunes sur fond noir, la couleur des plans, le rythme des polices, la justification des textes. Quand Pierre montre le story-board du livre -qui est au simple chemin de fer ce que la poésie est au morse -le lecteur refait avec lui, émerveillé, le voyage dans cet-te œuvre magistrale et magistrale-ment racontée .•